Ludwig von Mises appellait cela le cercle vicieux de l'interventionnisme : une intervention de l'Etat cause un problème, puis ce problème, loin de mener au constat de l'échec de l'intervention et à son abolition, est utilisé pour justifier davantage d'intervention étatique... et ainsi de suite.
A chaque fois, donc, qu'un massacre est commis aux USA, en toute illégalité, par une personne qui généralement obtient illégalement des armes, les porte illégalement, les utilise illégalement, et même les fait entrer dans des Gun Free Zones (accessoirement anticonstitutionnelles) illégalement, et donc viole une dizaine de lois avant même d'avoir tiré son premier coup de feu, tous affirment qu'une onzième loi serait la solution, plutôt que d'admettre l'échec, l'inefficacité, voire la contre-productivité, de leurs 10 premières lois.
Sans suprise, le même phénomène s'observe dans le domaine de l'interdiction des drogues, tout aussi absurde, tout aussi anti-constitutionnelle aux USA que celle des armes. Des produits plus dangereux (conséquence directe de la prohibition), des overdoses mortelles (conséquence directe de la prohibition), de la violence et des guerres de gangs (conséquence directe de la prohibition), seront utilisés sans vergogne pour appeller à davantage de prohibition... et ainsi de suite : plus les lois seront "sévères", plus il y aura de problèmes, et plus il y aura d'appels à des lois encore plus sévères, etc. ad nauseam. Le fait qu'il y des armes ou de la drogue même dans les prisons ne semble pas préccuper les prohibitionnistes quant au modèle de société vers lequel leur logique risque de tendre, sans jamais atteindre les buts qui lui servent de prétexte.
Un article particulièrement inquiétant dans The Economist, journal censé être un tant soi peu libéral, prône ainsi une prohibition aussi extrême que possible. Cependant, une lecture attentive montre clairement que l'auteur ne propose pas d'abolir les armes à feu, mais bien d'abolir leur propriété privée. Un point de vue généralement partagé par les prohibitionnistes, exprimé là dans une forme cohérente qui nous permet d'en analyser les tenants et aboutissants.
Premièrement, il n'y a en fait que les pacifistes absolus qui estiment que personne ne devrait jamais avoir ou utiliser d'armes. Mais il y a un petit problème : un pacifiste absolu, puisqu'il s'interdit toute violence, ne pourra pas non plus utiliser cette violence pour désarmer ceux qui ne partagent pas son pacifisme.
On imagine mal un Gandhi ou un Tolstoy, par exemple, prendre son fusil d'assaut et aller commettre le massacre de Waco, dans le but de désarmer quelqu'un suspecté d'avoir un fusil d'assaut.
Les pacifistes absolus, donc, sont en quelque sorte en dehors du débat. Car le débat politique, le seul, est toujours : dans quel cas est-il légitime d'utiliser la violence ? La question donc, devient, non pas pour ou contre la violence, mais plutôt : est-il légitime d'utiliser la violence des armes pour désarmer des personnes qui ont des armes, mais ne s'en servent pas pour commettre des agressions ?
Une réalité désagréable que les faux-pacifistes peuvent nier autant qu'ils veulent, mais qui demeure : leurs idées prétendument pacifistes, elles aussi, doivent être imposées par la violence, en l'occurence la violence étatique. Le "contrôle des armes", exercé de manière anticonstitutionnelle par le gouvernement fédéral américain, a donc lui aussi causé, directement (sans même entrer dans le débat sur les morts qu'il peut causer indirectement) des morts (Waco, Ruby Ridge, Ken Ballew, toutes les personnes innocentes envoyées dans des prisons fédérales où elles subiront de la violence, etc).
Deuxièmement, les prohibitionnistes ne proposent donc pas de désarmer tout le monde, mais bien de désarmer certains. Le contrôle des armes historiquement, a d'ailleurs toujours visé à désarmer une partie de la population. Il s'agissait d'abord des serfs, seuls les seigneurs féodaux étant autorisés à porter des armes. En Allemagne nazie, de désarmer les juifs. Dans chaque cas de génocide d'ailleurs, de désarmer la population cible avant de l'exterminer. Puis, aux USA, de désarmer les Noirs. En Suisse, de désarmer les Turcs, les Serbes et les Algériens, entre autres (loi raciste toujours en vigueur !).
Parler de limiter la propriété privée d'armes à feu soulève la question : par opposition à quelle propriété ? S'agit-il d'avoir des armes qui n'appartiennent à personne, et qui sont donc à la libre disposition du public ? Des armes qui appartiennent à la collectivité, donc chaque membre y a accès sous certaines conditions de durée ou de besoin ? Sans doute non. Des armes qui seraient partagées par plusieurs personnes ? Mais au final, c'est bien la main d'une personne, d'un individu privé donné, qui va presser la détente. Il n'y a que des intérêts privés. Il n'y a que des actes privés. Il n'y a que des crimes privés. Seuls des êtres humains privés, individuels, prennent la décision de tirer ou de ne pas tirer, de donner l'ordre de tirer, et sur qui.
Autrement dit, là encore, il n'est pas tant question de modifier le type de propriété des armes, mais bien de décider qui y a accès.
Les criminels qui ne respectent pas la loi, par définition, ne seront guère concernés par de nouvelles lois. Il n'est donc pas question de désarmer les criminels.
Concrètement, il est donc question de désarmer les civils respectueux de la loi, tout en laissant armés les policiers, les militaires (et les vrais criminels, ne l'oublions pas...).
Ceci se heurte à un problème flagrant : dans la vision libérale classique, de John Locke par exemple, nous ne pouvons pas déléguer à l'Etat le droit de faire quelque chose que nous n'aurions pas le droit de faire nous-mêmes. De même, Robert Peel, théoricien de la police, définit la police comme des membres du public qui se consacrent à plein temps à des tâches que tout membre du public est en droit et devoir d'accomplir.
Ceux qui veulent restreindre l'usage des armes aux policiers et aux militaires, en revanche, sont en plein dans la Croyance dans le chapeau : l'idée que le port d'un uniforme pourrait nous conférer des droits que nous n'aurions pas sans cet uniforme. En contradiction flagrante avec l'universalité des Droits de l'homme, le principe de l'identité des droits de tous les êtres humains, qua êtres humains.
Nous pouvons alors nous poser quelques questions très simples.
Pourquoi des personnes prétendument de gauche veulent en réalité une distribution moins équitable, moins égalitaire, des armes dans la population ? Où seuls les riches et les puissants peuvent exiger la protection de la police, ou s'offrir des gardes privés armés ? Pourquoi des anti-militaristes, anti-fascistes, pacifistes, des dénonciateurs zélés des abus policiers, veulent-ils un système où seule la police et l'armée ont des armes ?
Les policiers et les militaires sont-ils des surhommes, pour qu'ils aient des droits que nous n'aurions pas ? Font-ils des choses que des civils seraient nécessairement incapables de faire ? Rappellons à ce titre que d'une part, il y a souvent bien plus de contrôle pour acquérir une arme en tant que privé, que de se la faire remettre en tant que militaire. D'autre part, par exemple, que les privés se montrent plus efficaces pour arrêter les massacres. (Peut-être pour une question de proximité... ce qui ne change rien au fait qu'il vaut mieux que des civils armés soient là plutôt que de devoir attendre la police !) Rappelons qu'un privé peut très bien avoir suivi la même formation aux armes qu'un policier, que de nombreux civils s'entraînent plus régulièrement au tir que les policiers de certains pays, etc.
Ceux qui les dirigent, qui leur donnent des ordres, sont-ils des anges ? Et durant les 100 dernières années, qui a commis plus de massacres, des invididus privés agissant pour leur compte, illégalement, ou des individus obéissant aux ordres des hommes de l'Etat, massacrant légalement ?