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De la violence légitime et illégitime

Qu'est-ce que la politique? La politique consiste à décider des lois. Ce n'est pas une opinion : concrètement, dans un parlement, des personnes s'asseyent, discutent, et votent des lois. Les lois sont une liste d'actes contre lesquels des policiers armés peuvent user de la violence.

Ce n'est donc pas un hasard si la politique est source de conflits. La violence politique n'est pas l'apanage des extrémistes: toute loi implique d'utiliser la violence armée pour l'appliquer (enforce en anglais, où l'on retrouve le mot force) :

les groupes qui cherchent à imposer leurs valeurs par la force ne sont pas "extrémistes", ils sont POLITIQUES, par définition de la politique. (François Guillaumat)

La violence n'est pas quelque chose d'anodin. Porter des armes n'est pas quelque chose d'anodin. La deuxième règle de sécurité du tir, que tout policier correctement formé doit ou devrait connaître, dit clairement : ne jamais pointer son arme sur quelqu'un ou quelque chose que l'on n'est pas prêt à détruire. Autrement dit : pointer son arme sur quelqu'un implique déjà d'envisager la responsabilité de le tuer, de mettre fin à sa vie (un coup peut partir involontairement, une simple blessure peut s'infecter et causer la mort, un tir peut faire ricochet, etc.)

Porter, ou même posséder, des armes implique d'envisager de les pointer un jour sur quelqu'un. Les policiers portent des armes, ergo, les policiers acceptent cette responsabilité. Tout porteur ou propriétaire d'arme doit donc avoir une philosophie politique quant à l'utilisation légitime de ces armes. Pour les policiers, cette philosophie est en principe la loi de l'État qui les emploie.

De même, pour les particuliers c'est généralement le cadre des lois règlementant la légitime défense qui détermine leur usage légitime de la violence. Rappellons à ce propos deux principes : 

  • Celui de John Locke qui dit que nous ne pouvons pas déléguer à qui que ce soit des tâches que nous n'aurions pas le droit d'effectuer nous-mêmes (“The people cannot delegate to government the power to do anything which would be unlawful for them to do themselves.”)
  • Celui de Robert Peel qui dit que les policiers sont tout simplement des membres de la société qui se consacrent à plein temps à des tâches que n'importe qui est en droit d'accomplir ("the police being only members of the public who are paid to give full-time attention to duties which are incumbent upon every citizen in the interests of community welfare and existence"). Ainsi, tout citoyen a par exemple le droit d'arrêter l'auteur d'un crime (loi américaine).

Toute loi, même la plus anodine, implique un jour d'utiliser la violence armée pour l'appliquer. Exemple : des policiers arme au poing intervant contre des gens suspectés du crime odieux de vendre du lait cru. En dernier recours, des policiers armés peuvent même intervenir pour vous expulser de chez vous. Ou pour vous emprisonner si vous ne payez pas vos impôts. 

Vouloir interdire quelque chose implique d'être prêt à envoyer en prison des gens qui ne respectent pas cette loi. Vouloir interdire quelque chose implique d'être prêt à utiliser la violence armée pour envoyer en prison par la force des personnes qui ne respectent pas cette loi. Même une amende peut impliquer des confiscations de biens si la personne ne la paie pas, la prison peut impliquer violence, viols, voire mort.

Une forme de philosophie politique quant à l'usage de la violence est le pacifisme. C'était l'avis de Gandhi ("The State represents violence in a concentrated and organized form"), Tolstoy ou Jésus (tendre l'autre joue) : rejeter toute forme de violence.

Une autre forme est le libéralisme : la violence n'est justifiée que si elle est nécessaire pour répondre à une autre violence. Le porteur d'arme ne tire que si c'est nécessaire

Une autre est le communisme : la violence est légitime pour redistribuer des richesses, pour prendre aux uns pour redonner aux autres.

Ainsi, c'est là qu'intervient toute la différence du monde entre un policier qui abat un assassin, et un policier qui abat un honnête commerçant de stupéfiants, ou un douanier qui abat un immigré clandestin. Tuer des gens parce qu'ils ont tué, ou tuer des gens parce qu'ils ont franchi une ligne artificielle, n'a tout de même pas tout à fait la même signification.

De même que toute personne qui n'est pas prête à pratiquer la chasse ne devrait pas manger de viande, un pacifiste ne devrait pas faire de politique. Et surtout, chacun devrait avoir le courage d'assumer que ideas have consequences. On ne peut pas préconiser d'interdire quelque chose, que ce soit l'avortement, l'euthanasie, la drogue, l'immigration ou la prostitution, sans admettre les conséquences morales de l'usage de la violence armée contre des personnes qui ne respecteront pas la loi.

Débattre de politique, c'est débattre de l'usage légitime de la violence. Débattre de l'usage légitime de la violence, c'est débattre de contre qui et en quelles circonstances il est légitime d'utiliser la violence armée. C'est tout de même un débat moins anodin que le foot ou la météo.