Dans une société libérale, le seul sens de politique qui resterait peut-être serait celui du cours de science politique, qui serait naturellement intégré au département d’histoire médiévale de la faculté des lettres. Pour autant qu’il existe une demande pour une telle formation, bien entendu.
Jan Krepelka, Le libéralisme est anti-politique
Entre économique et politique, jamais l’écart n’aura été aussi flagrant. D’un côté nous avons la société normale, celle des gens civilisés, fonctionnant selon les principes économiques, évoluant sans cesse grâce à ses propres avancées technologiques et organisationnelles. De l’autre, les politiques, prétendant régner sur la société civilisée au travers de leur modèle de violence archaïque.
Le monde économique, c’est vous et moi, l’épicier du coin et le supermarché un peu plus loin. C’est aussi Google, Amazon, Uber ; ce sont toutes les personnes qui contribuent à modifier le monde pour le rendre plus agréable pour les humains qui le peuplent.
Le monde politique, ce sont des Benoît Hamon ou des Manuel Valls, qui débattent pour savoir selon quelle modalité redistribuer l’argent confisqué au monde économique, selon quelle modalité asservir les participants au monde économique, selon quelle modalité bloquer le progrès, selon quelle modalité asseoir leur pouvoir sur une société devant à tout prix rester statique afin qu’ils puissent la contrôler.
Alors que les politiques n’ont, de plus en plus, généralement jamais eu un emploi productif dans la vraie économie (pudiquement, on parle de « politiciens professionels »), les membres productifs de la société économique, de leur côté, participent de moins en moins au cirque électoral du monde politique. En somme, la séparation entre les membres de l’un et l’autre groupe devient de plus en plus marquée ; nous pourrions presque parler d’Umwelten différents.
Mais l’opposition entre l’économique et le politique, ce n’est pas seulement l’oposition entre la coopération et la violence. C’est aussi ce qui motive ces deux méthodes : le courage de contrôler la nature, ou la lâcheté consistant à tenter de contrôler les personnes. La volonté noble de s’enrichir, ou le désir misérable d’appauvrir autrui. Des producteurs qui créent — ou des guignols qui jouent au petit dictateur. Des personnes rationnelles qui collaborent pour bâtir la civilisation — ou des bêtes sauvages qui se battent pour survivre dans un jeu à somme négative. Des entrepreneurs — ou des crabes dans un panier.
Ainsi, le décalage entre ces deux mondes est aussi culturel et technologique. Un exemple emblématique nous en est donné par la proposition du candidat Macron au poste de co-prince d’Andorre (oui ça existe encore, des « co-principautés »), et accessoirement de président de la République française (oui ça existe encore, des républiques et des présidents qui prétendent planifier la vie de millions de personnes après avoir « gagné » à quelques pourcents au Xe tour selon un processus « électoral » arbitraire que Condorcet ou Arrow n’auraient même pas osé citer comme mauvais exemple) :
Mais il ne s’agit pas «de 500 euros chaque année, je vous rassure. Je ne propose pas le revenu universel, même dégradé (...). Le jour de vos 18 ans vous avez 500 euros pour pouvoir acheter des livres, accéder à des contenus culturels, sur une plateforme qui sera gérée par le ministère» a-t-il expliqué, en faisant référence à la mesure contestée de son rival Benoît Hamon.
En France, les fameux 500 euros seraient financés par l’État «pour une partie très minoritaire» mais aussi par les diffuseurs, et par les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon). Ces dernières n’ont pas encore réagi, même si elles ont déjà été «sensibilisées à cette proposition» indique le porte-parole de Macron, Richard Ferrand. — Le Figaro (cela aurait pu être le Gorafi, mais non)
Du côté économique, nous avons donc Amazon, entreprise privée qui rend les livres plus accessibles que jamais : Kindle unlimited à 9,99 leurros par mois, frais de port à 1 centime de leurro — et encore parce que le politique leur a interdit de le faire à zéro leurro, de par une loi scandaleusement ad hoc heureusement aussi stupide qu’elle était injuste. Nous avons Google, qui scanne des livres libres de droits, qui finissent disponibles gratuitement sur Archive.org (qui vit lui aussi de dons privés)... Et Apple, qui propose Apple Music, aussi pour 9,99 leurros (et même pour moins d’une thune pour les étudiants). Nous avons aussi la myriade de petites entreprises ou de créateurs individuels, telles les radios web financées par dons volontaires (par Paypal ou en bitcoin), des producteurs de contenu vidéos payés par des dons volontaires, uniques ou réguliers (Kickstarter, Patreon, etc.).
Et du côté politique ? Du côté politique, on se préoccupe de taxer tout ça, histoire de faire moins bien pour plus cher, avec moins de choix et de liberté (« plateforme qui sera gérée par le ministère »), avec l’argent confisqué au monde économique, histoire de le punir d’avoir réussi à accomplir ce que les politiques n’avaient pas même eu l’idée de faire. On se préoccupe de prix inique du livre, (sans doute encore imprimé sur parchemin), de financement forcé de l’antique boîte à bruit et des radios sur ondes hertziennes...
Oui, décidément, en 2017, les derniers soubresauts de l’État historiquement dépassé apparaissent plus grotesques, plus archaïques et plus barbares que jamais, surtout en comparaison des accomplissements prodigieux et pacifiques du marché libre.