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Mettre fin à la « redevance » : un devoir civique

Il existe d’innombrables bonnes raisons de voter oui le 4 mars1 à la fin de la « redevance », mais voici la plus importante : mettre fin au désordre légal actuel.

Nous mettons les guillemets à redevance, car il s’agit en réalité d’un impôt sur le patrimoine. Ceci a été confirmé par divers arrêts du Tribunal fédéral :

  • L’arrêt 2C_882/2014 du 13 avril 2015 du Tribunal fédéral a confirmé que la TVA ne saurait être prélevée sur la « redevance », puisqu’il ne s’agit pas d’une redevance. (Notons au passage que la TVA elle-même n’est pas non plus une taxe, mais un impôt...)

  • L’arrêt A-2254/2006 du 31 mai 2007 du Tribunal administratif fédéral a confirmé que « Les redevances sont [...] prélevées pour la détention d’un poste de radio ou de télévision apte à recevoir des programmes, indépendamment du fait de savoir si le détenteur du poste l’utilise et, dans l’affirmative, comment et dans quelle mesure. »

  • L’arrêt A-2247/2006 du 28 mars 2007 du Tribunal administratif fédéral a confirmé que même une absence prolongée n’implique pas une exemption, puisqu’il suffit qu’un téléviseur en état de marche capable de recevoir des programmes (même débranché, sic), se trouve au domicile de la personne (même inoccupé, sic) pour qu’elle soit tenue de s’acquitter de la redevance.

Cet impôt sur le patrimoine, cependant, n’a plus longtemps à vivre, puisqu’il sera remplacé dès 2019 par un impôt sur les personnes physiques et morales (impôt direct de type « impôt par tête » ou « poll tax »), suite à « l’acceptation » de la nouvelle LRTV le 14 juin 2015.

Nous mettons — aussi — les guillemets à acceptation puisque, dans les faits, la nouvelle loi a été refusée par les cantons — plutôt sèchement, d’ailleurs, à 16,5 contre 6,5 (!). La majorité des cantons a donc refusé d’autoriser la Confédération à percevoir un nouvel impôt direct, sujet sur lequel les cantons ont justement leur mot à dire en vertu de la Constitution fédérale. Ce n’est pas par hasard que les modifications constitutionnelles, dans une fédération comme la nôtre, sont soumises à la double majorité du peuple et des cantons : c’est justement parce que la Constitution règle la répartition des pouvoirs entre l’État central et les États fédérés.

Souvenons-nous à ce propos d’un autre objet soumis au vote le même jour :

Le présent projet modifie l’art. 119 de la Constitution. Il permet de recourir au diagnostic préimplantatoire (DPI) dans des conditions favorables. La loi sur la procréation médicalement assistée précisera les conditions d’application du DPI. Le Parlement a déjà adopté la modification de cette loi. Elle sera publiée dans la Feuille fédérale dès que le nouvel article constitutionnel sera entré en vigueur, et pourra alors faire l’objet d’une demande de référendum.

Puisque la nouvelle LRTV implique un nouvel impôt fédéral direct, elle aurait très clairement dû avoir été précédée par une modification idoine de la Constitution fédérale, qui aurait été alors dûment soumise au vote du peuple et des cantons, au même titre que la législation sur le DPI a été précédée d’un vote sur une modification de la Constitution. Autrement dit :

  • le vote sur la nouvelle LRTV aurait dû avoir été précédé par un vote sur une modification constitutionnelle ;
  • ce vote aurait été soumis à la double majorité du peuple et des cantons ;
  • ces derniers l’auraient refusée ;
  • la nouvelle LRTV aurait été enterrée.

Ce qui explique peut-être pourquoi fut employé le subterfuge d’une « modification purement technique » (sic), passant par une discrète loi, soumise uniquement au référendum facultatif du peuple, autrement dit, sur laquelle le gouvernement espérait que ni le peuple ni encore moins les cantons n’auraient pu se prononcer — et qu’un votant sur deux refusa malgré tout.

Quel recours, dès lors, contre cet impôt anticonstitutionnel ? La Constitution précise en effet explicitement que la constitutionnalité des lois fédérales ne peut pas être jugée par le Tribunal fédéral (Art. 189 al. 4) —

En d’autres termes, le système suisse n’offre aucune possibilité de contrôle judiciaire abstrait, ou direct, de la constitutionnalité des lois fédérales.

André Jomini, Présentation du Tribunal fédéral suisse comme autorité de juridiction constitutionnelle, p. 8.

Eh bien si, il en offre une : l’initiative populaire. En Suisse, le Souverain c’est le peuple, et la Cour suprême constitutionnelle c’est le peuple aussi — autrement dit, c’est le travail de vous et moi de remettre de l’ordre dans une législation que les prétendus Sages ont prise quelque peu à la légère. L’initiative populaire fédérale « Oui à la suppression des redevances radio et télévision », à accepter le 4 mars 2018, nous en offre une possibilité simple et directe. Elle interdit en effet explicitement aussi bien l’anticonstitutionnel impôt par tête que son déplorable prédécesseur (qui s’apparentait de fait à un impôt sur le patrimoine, tout aussi anticonstitutionnel) — tous deux par ailleurs absurdes.

S’il y a bien en effet un problème purement technique, résolu au moins depuis des décennies, c’est justement celui du financement de programmes audiovisuels. Ajoutons qu’avoir voulu s’épargner l’effort de le résoudre, préférant la trompeuse simplicité d’une solution non pas technique mais politique, celle du financement par la confiscation, relève d’une paresse intellectuelle et morale inexcusable. Sans parler de la lâcheté d’avoir confié cette confiscation à une entreprise « privée » afin d’en occulter la vraie nature.

Corriger l’anticonstitutionnalité de la situation actuelle en votant oui à la fin de la prétendue redevance relève dès lors non seulement du simple bon sens, mais bien aussi du devoir civique le plus élementaire de chaque citoyen.