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La conscription: une violence contraire à la démocratie, à l'égalité et à l'Etat de Droit

Le 22 septembre 2013, les Suisses pourront enfin voter sur la fin de la conscription. Rarement sujet de votation aura été aussi clair, puisqu'il s'agit, tout simplement, de remplacer dans la Constitution : "Tout homme de nationalité suisse est astreint au service militaire" par "Nul ne peut être astreint au service militaire".

Comme toute question politique, la question posée traite de l'usage légitime de la violence. La question posée est donc extrêmement simple : est-il légitime que l'Etat utilise la violence armée, soit la menace de la prison, pour contraindre un groupe arbitrairement défini donné (les personnes de nationalité suisse, d'un certain âge, et de sexe masculin) à accomplir une certaine activité, en l'occurence un service militaire ?

Clairement, la réponse est non. Dans une société civilisée, la violence doit être circonscrite à la défense contre des agressions ou à leur répression. Elle n'est certainement pas un moyen approprié pour recruter des personnes pour accomplir une certaine activité, aussi nécessaire que cette dernière puisse être. La simple volonté d'avoir quelque chose, comme une défense nationale par exemple, ne justifie pas l'usage de la violence pour l'obtenir.

Dans un Etat de Droit, la loi doit être la même pour tous. Il ne devrait donc pas y avoir de "Code pénal militaire", certainement pas en temps de paix. De même, une obligation imposée à une partie seulement de la population est indéfendable. La seule obligation légitime dans un état de Droit, c'est le devoir de ne pas commettre de crimes: de ne pas voler, agresser, violer ou tuer. Cette obligation est équivalente au Droit de ne pas subir ces crimes ; elle est universelle, elle s'applique à tous et en tout temps. Au contraire de "l'obligation de servir", qui n'est qu'un ordre arbitraire imposé par l'Etat à certaines catégories de personnes, et ne constitue donc certainement pas un devoir véritable, pas plus que son non-respect ne constitue un délit véritable.

Et enfin, dans une démocratie, il n'est pas admissible qu'une majorité asservisse une minorité pour son propre profit. Car les partisans de la conscription doivent répondre à une autre question très simple : qui espèrent-ils donc convaincre par leur campagne ?

Les personnes effectivement concernées, astreintes au service ? Mais dans ce cas, s'ils y parviennent, s'ils gagnent la votation, alors ils auront paradoxalement perdu : la conscription est inutile si la majorité des personnes concernées l'approuvent. Car si les personnes concernées approuvent une loi qui les contraint à accomplir du service, il semble difficilement défendable que ces mêmes personnes ne seraient pas prêtes à accomplir ce service de leur plein gré. Autrement dit, l'argument du manque de volontaires des partisans de la conscription ne serait plus valable dès le moment qu'ils gagneraient la votation...

Ou alors, l'autre possibilité, c'est qu'ils espérent convaincre la partie de la population qui n'a pas à faire du service de toutes façons, de voter bien confortablement en faveur d'une obligation qu'ils n'auront pas à subir. Autrement dit, de convaincre une majorité de la population d'utiliser la violence armée contre une minorité, afin d'asservir la minorité pour son propre intérêt, situation inacceptable dans une démocratie.

Plus fondamentalement, nous avons presque honte de devoir encore le rappeler, nul n'a le droit de contraindre autrui à exercer une activité qu'il ne souhaite pas exercer. La vie de chaque personne lui appartient, de même que chaque précieuse seconde de son existence, et c'est à elle de décider librement ce qu'elle en fait - tant qu'elle n'enfreint pas les droits légitimes d'autres personnes. C'est le principe de base de l'humanisme, du libéralisme, des droits de l'homme, de l'identité des droits de tous : nous sommes tous des êtres humains, et en tant que tels avons exactement les mêmes droits ; dès lors, si je n'ai pas le droit de contraindre autrui à faire une activité que moi j'approuve mais lui désapprouve, de même, lui n'a pas le droit de me contraindre à faire une activité que lui approuve et que moi je désapprouve. Chacun a le droit sacré de décider ce qu'il fait de sa vie et de son temps. Ce n'est pas parce qu'une personne est d'avis que l'armée est formidable, lui a appris plein de choses, etc., que cela lui donne le moindre droit de contraindre à la faire une autre personne, qui ne partage pas nécessairement la même vision du monde, qui est, elle aussi, un être humain unique, et à laquelle le service militaire n'apportera pas nécessairement la même satisfaction. L'ignorer relève, classiquement, du constructivsme: le mépris de la rationalité des autres, de leurs choix, de leur humanité, de leur vie.

Ainsi, la sécurité d’un pays ne saurait justifier l’asservissement de ses citoyens. Il est contradictoire de vouloir défendre la liberté de la Suisse tout en la supprimant arbitrairement pour une partie de ses habitants ; une vraie armée de milice est une armée de milice volontaire. S'ils prennent vraiment au sérieux les principes qu'ils affirment défendre, les partisans d'une armée de milice forte devraient donc cesser leur campagne en faveur de la conscription, et plutôt investir la même énergie à recruter les futurs miliciens volontaires d'une armée digne d'une Suisse moderne : une armée qui défend la liberté et l'indépendance de la Suisse, et le fait, en toute cohérence, en respectant la liberté et l'indépendance des personnes qui la composent.