Ne jamais pointer son arme sur quelqu'un ou quelque chose que l'on n'est pas prêt à détruire.
Règle de sécurité numéro deux (Jeff Cooper)
As a human being, you have no choice about the fact that you need a philosophy. Your only choice is whether you define your philosophy by a conscious, rational, disciplined process of thought and scrupulously logical deliberation — or let your subconscious accumulate a junk heap of unwarranted conclusions, false generalizations, undefined contradictions, undigested slogans, unidentified wishes, doubts and fears, thrown together by chance, but integrated by your subconscious into a kind of mongrel philosophy and fused into a single, solid weight: self-doubt, like a ball and chain in the place where your mind's wings should have grown. [...]
The men who are not interested in philosophy need it most urgently: they are most helplessly in its power. [...]
The army of a free country has a great responsibility: the right to use force, but not as an instrument of compulsion and brute conquest — as the armies of other countries have done in their histories — only as an instrument of a free nation's self-defense, which means: the defense of a man's individual rights. The principle of using force only in retaliation against those who initiate its use, is the principle of subordinating might to right.
Ayn Rand, Philosophy: Who Needs It, discours aux cadets de West Point, 1974
Le porteur d'armes (ou simple propriétaire d'armes, d'ailleurs), par le contact qu'il a avec les armes à feu, a déjà dû comprendre certaines choses :
- Les armes ne sont que des objets, des bouts de métal (ou de plastique), relativement faciles à fabriquer par ailleurs. Les armes ne tuent pas, seule la décision (ou l'inattention irresponsable...) d'un être humain peut mener à l'utilisation de cet objet pour tuer. Seuls les êtres humains agissent. C'est le principe de l'action humaine.
- En dernière instance, c'est toujours un doigt, appartenant à une personne humaine unique, donc la décision d'un cerveau humain unique, qui presse une détente. Seuls des individus peuvent agir, décider, et donc choisir de tuer ou de ne pas tuer. C'est le principe de l'individualisme méthodologique.
- On ne pointe jamais le canon de son arme sur quelque chose qu'on ne veut pas détruire : chacun est donc responsable de ce qui s'ensuit dès le moment qu'il pointe son arme sur quelqu'un ou quelque chose. C'est le principe de la responsabilité individuelle.
- Lorsqu'on utilise des objets conçus pour tuer, on admet que tuer est parfois nécessaire. On ne peut dès lors plus échapper à la nécessité d'un avis éclairé sur l'identification des cas où tuer (ou menacer de tuer) est nécessaire et justifié, c'est à dire d'une théorie sur l'usage légitime de la violence. C'est le principe de la philosophie politique.
Le porteur d'arme, donc, quelle que soit sa profession, ne peut faire l'économie d'une philosophie politique quant à l'usage légitime de la violence.
Le porteur d'arme se rend ainsi compte directement de ce qui au final devrait apparaître clair à chaque être humain ; après tout, avec ou sans armes, nous avons tous le pouvoir de tuer (avec des couteaux de cuisine, des voitures, des objets de tous les jours, ou à mains nues).
Les armes à feu nous font prendre conscience de ce pouvoir. Une fois que nous ne pouvons plus échapper au fait que nous avons le pouvoir de tuer, nous ne pouvons plus échapper non plus à la connaissance de savoir si et quand nous avons le Droit de tuer, ou, plus généralement, de pointer notre arme sur quelqu'un ou quelque chose, en admettant ipso facto la possibilité implicite des conséquences que notre acte peut avoir.
Les porteurs d'armes, par définition, ne sont pas des pacifistes façon Jésus, Gandhi, Tolstoï, ou les hippies. Partons également du principe qu'ils ne sont pas des psychopathes ou des nihilistes, qui utilisent la violence lorsque bon leur semble sans se soucier des conséquences.
Ils reconnaissent donc la légitimité de la violence dans certains cas, et non dans d'autres ; reste à déterminer lesquels. C'est le rôle de la philosophie politique : découvrir dans quels cas l'usage de la violence est légitime et dans quels cas il ne l'est pas.
La philosophie libérale prend au sérieux la règle de sécurité numéro deux, sous la forme du principe de non-agression : la violence n'est légitime que pour se défendre d'une autre violence.
Elle prend ainsi aussi au sérieux l'article 15 du Code pénal suisse :
Quiconque, de manière contraire au droit, est attaqué ou menacé d'une attaque imminente a le droit de repousser l'attaque par des moyens proportionnés aux circonstances; le même droit appartient aux tiers.
Article 15 Code pénal suisse
De même que l'article 20 du Code pénal militaire :
Punissabilité du supérieur et actes commis sur ordre d'autrui
1. Si l'exécution d'un ordre de service constitue une infraction, le chef ou le supérieur qui a donné cet ordre est punissable comme auteur de l'infraction.
2. Le subordonné qui commet un acte sur ordre d'un supérieur ou en obéissant à des instructions le liant d'une manière similaire est aussi punissable s'il a conscience, au moment des faits, du caractère punissable de son acte.
C'est ainsi que, en vertu des principes de l'individualisme et de la responsabilité, l'argument d'Eichmann n'est pas valable : chacun a la responsabilité de ses actes et de l'usage qu'il fait du pouvoir de violence dont il dispose, face à lui-même, face à sa conscience, face au Droit universel, face à l'humanité, ou face à Dieu selon ses convictions.
Elle prend de même au sérieux l'article premier de la Déclaration universelle des droits de l'homme :
Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits.
Et elle en déduit, tel John Locke par exemple, que nous ne pouvons pas déléguer à qui que ce soit des tâches que nous n'aurions pas le droit d'effectuer nous-mêmes :
The people cannot delegate to government the power to do anything which would be unlawful for them to do themselves.
Ce "même droit" qui "appartient aux tiers" est donc notre Droit de nous défendre contre des agressions, Droit que nous pouvons déléguer à des sociétés de sécurité privées, ou à l'Etat. Ce droit et nul autre, donc.
Ainsi, les policiers ou les agents de sécurité sont des êtres humains comme n'importe qui d'autre. Ils ont donc les mêmes droits que n'importe quelle autre personne, et nulle personne n'a pu leur déléguer des droits qu'elle même n'aurait point.
Donc, comme l'a bien résumé Robert Peel (premier ministre britannique qui donna son nom aux "Bobbies"), les policiers sont tout simplement des membres de la société qui se consacrent à plein temps à des tâches que n'importe qui est en droit (et devoir) d'accomplir:
the police being only members of the public who are paid to give full-time attention to duties which are incumbent upon every citizen in the interests of community welfare and existence
Ainsi, tout citoyen a par exemple le droit d'arrêter l'auteur d'un crime (loi américaine).
De ces principes bien compris, il faut dès lors tirer deux conclusions :
- le citoyen et le policier ont le même Droit, soit le droit à la légitime défense et le droit de combattre le crime, autrement dit le même droit au port d'arme ;
- le policier et le citoyen n'ont ni l'un ni l'autre le droit de commettre des agresssions, soit d'utiliser la violence armée pour autre chose que pour combattre les agressions contre des personnes ou leurs propriétés légitimes.
Le libéralisme est l'application politique de cette philosophie bien comprise. Les libéraux estiment que la violence n'est pas quelque chose d'anodin. Ils estiment que la violence est nécessaire dans certains cas, mais dans certains cas seulement. Ainsi, tout un chacun a le droit d'avoir des armes et les utiliser pour assurer sa sécurité ou celle d'autres personnes. En revanche, nul n'a le droit d'utiliser la violence, avec ou sans armes, pour forcer d'autres personnes à agir selon ses caprices.
Ainsi, nul n'a le droit d'utiliser la violence pour :
- contraindre des personnes qui n'ont enfreint aucun droit légitime à faire quelque chose qu'elles ne souhaitent pas faire (viol, esclavage, conscription) ;
- utiliser la violence pour obtenir de l'argent d'autres personnes (vol, racket, impôts).
Il s'ensuit qu'il n'est pas légitime, pas justifié, et pas nécessaire d'utiliser la violence armée contre des personnes :
- dont l'opinion nous déplaît ;
- qui consomment quelque chose qui nous déplaît (exemple américain le plus flagrant, cette intervention de policiers américains, arme dégainée, contre des personnes soupçonnées de posséder du lait non-pasteurisé) ;
- qui pratiquent une activité qui nous déplaît (en Suisse, mentionnons les "descentes" de policiers armés pour arrêter des personnes qui jouent au poker, et ceatera ad nauseam).
Le porteur d'arme, en résumé, quelle que soit sa profession, ne peut se permettre de faire l'économie d'une philosophie politique quant à l'usage légitime de la violence. Naturellement, aucun être humain ne peut réellement en faire l'économie. Cependant, le porteur d'arme, de par son accès direct et immédiat à la violence et de par sa compréhension de la responsabilité que le pouvoir de violence implique, a encore moins d'excuses que le quidam moyen pour l'ignorer. Encore davantage que n'importe qui, il doit donc tout particulièrement rester attentif à la règle de sécurité numéro deux :
Ne jamais pointer son arme sur quelqu'un ou quelque chose que l'on n'est pas prêt à détruire.