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La société de Droit contre l'État des castes

Les attentats de Paris auront été le prétexte idéal pour faire passer toutes sortes de lois totalitaires qui dormaient – quelle heureuse coïncidence, c’étaient exactement celles qu’il fallait ! – , dans les tiroirs des politiques et de leurs affidés depuis longtemps.

Qu’ont-elles toutes en commun ? Tout simplement, le mépris du Droit. En effet, nous pourrions croire à première vue que le recul du respect du Droit serait une simple conséquence occassionnelle, passagère et regrettable de lois nécessaires pour lutter contre le terrorisme, un sacrifice nécessaire de liberté à consentir afin de s’assurer d’un peu de sécurité. Mais ce serait faire preuve d’une naïveté coupable. Peut-on en effet croire sérieusement que, au hasard en France :

… fera quoi que ce soit pour empêcher de futurs attentats de se produire ?

N’est-il pas plutôt, clairement, bien plus probable que cette destruction du Droit est plutôt le véritable objectif, et les attentats le prétexte ?

Ce n’est donc pas une conséquence secondaire fâcheuse que ces lois seraient anticonstitutionnelles, non, c’est bien leur principe fondateur.

Elles s’inscrivent en effet dans un très vieux conflit, celui entre deux visions du monde, deux visions qui s’affrontent depuis les débuts de la civilisation : d’un côté, la conception libérale du Droit, l’identité des droits de tous ; de l’autre, la défense d’une société de castes, de privilèges, où certains sont plus égaux que d’autres.

Société de Droit

Dans la conception suisse de l’armée, les soldats sont des citoyens qui consacrent une partie de leur temps à défendre leur patrie : des citoyens-soldats. Ainsi, n’importe quel citoyen peut acquérir, ou se faire prêter par l’armée, les mêmes outils, qu’il exerce une activité militaire, qu’il en ait exercé par le passé, ou n’en ait jamais exercé.

De même, le fondateur de la police britannique définissait les policiers comme des membres du public qui se consacrent à plein temps à des tâches que tout membre du public est en droit et devoir d’accomplir.

Dans une société de Droit, les sujets du Droit (pénal), ce sont toutes les personnes. Et si le Droit est universel, alors c’est que les règles de Droit fondamentales doivent être les mêmes pour toutes les personnes.

Ça, c’est la société libérale, “républicaine” et “démocratique”, si l’on veut : nous sommes tous des êtres humains, des citoyens égaux, avec les mêmes droits et devoirs ; le reste, c’est juste de la division du travail.

Liberté et sécurité ne s’opposent pas mais vont de pair, justement : les membres d’une société de Droit choisissent librement la sécurité, et s’organisent de façon ordonnée. Chacun choisit de s’assurer et d’acquérir la sécurité dont il a besoin, et les personnes qui la lui fournissent, les personnes qui se consacrent à plein temps à assurer la sécurité, sont tenues pour responsables si elles n’y parviennent pas.

État de non-Droit

En face, nous avons le modèle féodal. Le modèle féodal, c’est ça :

Stricter rules to ban certain semi-automatic firearms, which will not, under any circumstance, be allowed to be held by private persons, even if they have been permanently deactivated [dans la version française : “des règles plus strictes concernant l’interdiction de détention de certaines armes à feu semi-automatiques par des particuliers, même si elles ont été neutralisées de manière permanente”];

Notez bien cette notion de “personne privée”, de “particulier”. S’il y a des personnes privées, c’est qu’il y a des personnes non-privées, et si l’on introduit le concept dans un texte de loi, c’est bien pour s’en servir à discriminer les premières vis-à-vis des secondes. Ainsi, dans un État de non-Droit, le droit n’est pas universel. Par définition, puisqu’on n’a plus un Droit unique (le Droit) et un ensemble unique de sujets de Droit (les personnes), on introduit une distinction de classe, de caste, de personnes ayant des droits différenciés selon leur appartenance à un groupe ou un autre.

Dans un tel système, le Droit avec un grand D n’existe plus : il n’y a plus qu’un droit à géométrie variable, fait de décrets, de directives européennes, de privilèges.

Dans un tel système, tout au contraire, nous avons une caste guerrière, seule autorisée à porter des armes. Et nous avons une caste dirigeante, seule autorisée à être protégée par les porteurs d’armes.

Les membres de la classe dirigeante ne sont pas soumis aux mêmes lois (immunité), ils ne vivent pas dans les mêmes demeures que leurs sujets (hôtels particuliers de fonction) ; une transparence absolue est exigée des sujets – alors que, asymétriquement, les seigneurs n’ont aucun compte à rendre. Dans un tel système, le secret bancaire n’a pas sa place, alors qu’en revanche, les Snowden et les Assange doivent être poursuivis.

Il existe aussi une caste bancaire, faite d’une banque centrale “indépendante” et de banques commerciales, qui peuvent “créer” de la monnaie à discrétion, selon leur bon vouloir, et imposer son usage à la population. Les membres de la caste productive, en revanche, ne peuvent même plus retirer librement leur propre argent à la banque, le transférer, ou avoir la moindre garantie qu’il ne sera pas “dévalué”, soumis à un “taux d’intérêt négatif”, ou tout simplement confisqué. Et les membres de la caste dirigeante, eux, ont toute liberté de confisquer l’argent des membres de la caste productive, et l’allouer à qui bon leur semble (par exemple : en subventions aux terroristes).

Caste protégée et caste de victimes désignées

Comme le note Swissguns :

“François Hollande et ses ministres sont protégés par des porteurs d’armes. Ils n’ont pas besoin d’en porter. Alors, pourquoi les simples citoyens en auraient-ils besoin ?”

Les simples citoyens sont-ils autant protégés que les ministres ? Bien sûr que non. La sécurité est un bien privé, qui peut être fourni en différentes quantités et qualités, il n’y a pas de “la sécurité” qui puisse être fournie globalement à tout un pays. Dans un système de castes, certains choisissent pour d’autres la sécurité qu’ils “méritent”, et s’ils échouent à l’assurer, ils ne sont pas tenus pour responsables. Ils ne sont pas mêmes légalement tenus de vous protéger.

Personne ne parle de désarmer les soldats ou les policiers. Et bien sûr, concrètement, personne ne pense désarmer – par de nouvelles lois – les criminels qui violent déjà la loi…

Personne ne propose d’interdire les armes. Aucune société n’a jamais interdit les armes. En revanche, certaines sociétés réservent l’usage des armes à certaines castes : en l’occurence, aux criminels, aux terroristes, aux policiers et aux soldats (professionnels).

Les nombreuses dérives de l’usage des armes par les policiers américains, récemment, ou plus généralement, par les armées étatiques de toute la planète depuis des siècles, devraient peut-être nous rappeller au fait que cette inégalité-là n’a rien de naturel, de sain, d’acceptable ou de sécurisant, et que, peut-être, le principe de l’identité des droits de toutes les personnes, en effet, repose bien sur une notion de personnes, toutes sujets de Droit au même titre, toutes responsables de leurs actes, et que cette notion repose plus sur la réalité qu’une dichotomie inventée de toutes pièces pour discriminer les personnes sans aucun fondement rationnel et juridiquement valable. Ainsi, en Floride, ou les simples citoyens titulaires d’un permis de port d’arme sont 1,3 million, sur une population de 20 millions :

"Concealed handgun permit holders are extremely law-abiding. In Florida and Texas, permit holders are convicted of misdemeanors or felonies at one-sixth the rate that police officers are convicted." (Concealed Carry Permit Holders Across the United States)

En Suisse, naturellement, en plus de risquer d’être affectés par les directives européennes grâce au merveilleux Schengen, certains se découvrent soudain un désir d’obéissance et de foi aveugle en l’État, et nous expliquent que :

"Le risque d’abus est moins à craindre des États, plus ou moins contrôlés, que des sociétés privées, sans garde-fous légaux ou éthiques. "

Mais oui, bien entendu ! Après tout, les États n’ont jamais tué personne. Le point central qu’il s’agit de nous faire oublier, à nouveau, est bien entendu que le sociétées privées sont soumises au Droit, alors que les États tentent de s’en exonérer, justement.

Insécurité et désordre

Et enfin, s’il y a chaos et insécurité, c’est justement que ce désordre a été imposé aux populations en niant le Droit : qu’on les a empêchés de se coordonner, de se défendre, de faire leurs propres choix selon leurs propres évaluations des risques, de choisir avec qui s’associer, avec qui travailler, comment se protéger ; et que ceux qui prétendent assurer notre sécurité sont irresponsables au point de ne pas même assumer la moindre seconde l’échec de leurs vaines promesses, et au contraire reproduire exactement les mêmes erreurs – et que c’est ainsi que leur système féodal fonctionne et se perpétue.

Ce modèle féodal, c’est, aussi, celui de l’État islamique. Sous une variante, disons, plus crue. Et s’il y a bien, en effet, deux camps, les politiques européens ont choisi le leur depuis longtemps.