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Faut-il « moraliser » la LAMal ?

Une proposition de révision de la LAMal, en discussions au parlement, supprimerait le remboursement des prestations médicales en cas d'abus d'alcool.

Il s'agit de réprimer les excès des personnes qui se saoulent gratuitement, pour le plaisir ou par amusement

D'aucuns seraient tentés de trouver la proposition « raisonnable » ou « responsabilisante ». Après tout, personne ne vous oblige à boire.

Pourtant, regardons de plus près. Des personnes qui se saoulent gratuitement ? Avec un taux d'imposition de 29 francs par litre d'alcool pur, plus la TVA et le reste, cela me semble difficile. Mais ce n'est pas la question.

Des personnes qui se saoulent pour le plaisir ou par amusement ? Oui, mais y a-t-il donc d'autres raisons de boire de l'alcool ? Ou de faire quoi que ce soit d'autre, d'ailleurs ?

Autre absurdité :

En revanche, les alcooliques et toxicomanes, parce que considérés comme malades, ne seront pas concernés.

Prévoyons déjà des discussions passionnantes aux urgences pour savoir si une personne arrivée dans le coma éthylique s'y est retrouvée car alcoolique ou par consommation « récréative » d'alcool. Débat existentiel s'il en est.

Signalons également que le remboursement est déjà partiel, en raison des franchises et de la participation de l'assuré, qui s'élève déjà à 50% dans le cas de l'ambulance :

l'assurance de base obligatoire paie 50 % des frais de sauvetage nécessaires, au max. 5 000 CHF par an. 50 % également mais max. 500 CHF/an pour les frais de transport si la vie de l'assuré n'est pas en danger.

En réalité, personne n'a envie de se retrouver à l'hôpital. Les gens boivent de l'alcool pour le plaisir, mais non dans le but de finir dans le coma.

De même, le skieur qui se casse une jambe pouvait très bien rester au chaud chez lui. Il va skier pour le plaisir, non dans le but de se casser une jambe. De même pour celui qui fume des cigarettes ou mange trop ou mal, non dans le but d'avoir le cancer ou devenir obèse, mais par plaisir également. Et quid de celui qui a un accident de voiture en se rendant à son travail, travail qui lui permet de couvrir bien des dépenses de loisirs au-delà du strict minimum vital.

Bref, si nous devions faire le tri entre les risques médicaux et écarter tous ceux liés à nos choix, il ne risquerait plus grand chose à couvrir. C'est donc bien une pente savonneuse :

Les caisses-maladie elles-mêmes attirent l'attention sur les dangers du «principe de causalité». Avec les hôpitaux, elles craignent l'ouverture d'une brèche dans le système de santé. L'association santésuisse parle ainsi d'un «signal dangereux». Après l'excès d'alcool et de drogue, la question pourra être posée de savoir si d'autres comportements dommageables pour la santé pourraient ne plus être couverts par l'assurance-maladie, avertit sa porte-parole Anne Durrer.

Il s'agit uniquement d'une hypothèse. Les auteurs de l'initiative visant à supprimer le remboursement de l'avortement pourraient, par exemple, s'appuyer sur ce nouvel argument. Et l'UDC a déjà essayé à plusieurs reprises de retirer la distribution d'héroïne de la couverture de base de l'assurance-maladie.

Naturellement, certains ciblent l'alcool en raison de leur opposition personnelle à cette substance. Dans un marché libre, ils seraient libres de prendre une assurance avec option « abstinent » et contrôle hebdomadaire de leurs Gamma-GT du foie .

Mais nous ne sommes pas dans un marché libre. Ne plus rembourser les problèmes liés aux drogues ou à l'alcool n'est en rien moins arbitraire que de ne plus rembourser les jambes cassées ou les intoxications alimentaires.

Le genre de débat que cela ouvre est tout aussi insoluble rationnellement et dénué de pertinence que de discuter de la couleur des murs d'un bâtiment public qui n'aurait jamais dû être public. Discuter du catalogue des primes est tout aussi absurde que de discuter politiquement du catalogue d'une boutique. L'introduction de la LAMal s'est révélée catastrophique sur tous les plans - aussi bien au niveau de l'explosion des coûts que de l'introduction sur la place publique de débats moraux insolubles. Il n'y a donc pas de bonne réponse à la question de savoir si l'assurance maladie doit rembourser les frais liés à l'alcool - c'est la question elle-même qu'il faut dé-poser.