Le 11 mars 2012, entre diverses autres propositions plus ou moins socialistes, le peuple aura à se prononcer sur l’initiative introduisant un droit à «6 semaines de vacances pour tous». Le problème est le même qu’avec tous les droits positifs, les «droits à»: aux frais de qui? La durée de vacances que les salariés peuvent se permettre dépend directement ou indirectement de leur pouvoir d’achat d’une part, et de leur arbitrage entre ressources supplémentaires et temps de loisirs d’autre part. Un temps supplémentaire passé à ne pas produire de la richesse implique moins de richesse produite… Une tautologie que les initiants semblent ignorer. Pour prendre des vacances supplémentaires, il faut donc pouvoir se le permettre.
Si les salariés ne négocient pas déjà davantage de vacances en échange d’une réduction de leur revenu, c’est bien la preuve que ce n’est pas le cas. La vraie question est donc: pourquoi, en Suisse, en 2012, le pouvoir d’achat des salariés n’est-il pas suffisamment élevé pour qu’ils puissent s’offrir plus de vacances?
La réponse est très simple: l’Etat nous prive d’une part importante du fruit de notre travail. D’après les données de l’OCDE, la quote-part de l’Etat (recettes fiscales par rapport au PIB) de la Suisse était de 29,8% en 2010. Cependant, en incluant les cotisations obligatoires aux assurances sociales, economiesuisse l’évalue actuellement plutôt à 42,6%. Il faut en effet compter notamment l’AVS (forme d’impôt sur le revenu, fondé sur le même principe qui a valu 150 ans de prison à Bernard Madoff) et l’assurance maladie, dont les coûts explosent depuis qu’elle est obligatoire et réglementée.
Certes, les fonctions régaliennes de l’Etat (armée, police, justice) représentent environ 15% des dépenses publiques actuelles. D’autres services fournis par l’Etat (prévoyance professionnelle, santé, éducation, transports), bien qu’ils pourraient être fournis à moindres frais par le secteur privé, constituent néanmoins un service souhaité.
Mais, pour le reste, nous devons travailler bien davantage qu’il ne serait nécessaire pour financer les intérêts d’emprunts qui n’auraient jamais dû avoir été souscrits, des fonctionnaires qui contrôlent des déclarations d’impôts qui pourraient être beaucoup plus simples, des services dont nous ne voulons pas, une redistribution sociale que nous n’approuvons pas et même une politique culturelle qui ne correspond pas à nos préférences. Signalons par exemple les 460 francs annuels d’impôt sur la possession de téléviseurs prélevés par Billag, d’ailleurs absents des calculs de la quote-part fiscale…
En outre, en raisonnant sur le long terme, l’effet cumulé d’année en année d’une réduction du taux de croissance et d’une diminution de l’épargne (rognée notamment par l’impôt sur la fortune alors même que le revenu qui l’a constituée a déjà subi une première imposition) est naturellement considérable. En effet, avec un taux de croissance annuel de 2%, le PIB et donc grosso modo le niveau de vie doublent tous les 35 ans; avec 1%, seulement tous les 70 ans. Les études empiriques estiment que 10 points de pourcentage de quote-part de l’Etat supplémentaires ont pour conséquence 1 point de pourcentage de taux de croissance en moins (voir l’étude de l’Institut Constant de Rebecque de novembre 2006, Comment le poids de l’Etat diminue la prospérité, qui fait notamment la synthèse de plusieurs études empiriques). Or, comme nous l’avons vu, la quote-part fiscale de la Suisse atteignait 29,8% en 2010, alors qu’elle n’était encore que de 17,5% en 1965!
Comptons également toutes les mesures qui réduisent notre pouvoir d’achat: protectionnisme agricole, droits de douane, interventions étatiques sur le marché immobilier qui rendent le logement trop cher, restrictions aux importations parallèles… De même, les effets de la politique monétaire inflationniste ont réduit le pouvoir d’achat du franc de 90% sur un siècle et risquent de le réduire encore davantage (voir notre article à ce propos dans LT du 26.08.2011). Alors que, justement, sans les interventions de la BNS, les Suisses auraient pu profiter de vacances bon marché à l’étranger et réduire leur temps de travail tout en conservant leur pouvoir d’achat grâce au franc (relativement) fort. N’oublions pas non plus les conséquences délétères des effets de seuils, des interdictions, des réglementations et de la bureaucratie sur l’innovation technologique et l’entrepreneuriat, difficilement quantifiables.
Bref, l’estimation selon laquelle l’Etat dissipe la moitié des ressources de l’économie est encore très prudente. Autrement dit, ce ne sont pas six semaines de vacances, mais bien six mois de vacances que nous pourrions prendre – à condition de réduire la taille de l’Etat et d’en avoir ainsi les moyens, ce que l’initiative ne garantit guère.
Le souhait d’avoir davantage de temps libre, que ce soit sous forme de réduction du temps de travail ou de vacances supplémentaires, est parfaitement légitime. Dans une économie libre et donc prospère, ces aspirations se réalisent tout naturellement comme conséquence de la croissance économique – pour autant qu’on laisse faire le marché, plutôt que de l’entraver par une inflation législative sauvage et un étatisme débridé.