Non contente de promouvoir l’uniformité fiscale au sein de l’Union, la Commission européenne s’attaque également à la concurrence fiscale extérieure. La pression de l’UE contre certaines pratiques cantonales, jugées trop favorables aux entreprises européennes, s’est récemment intensifiée. Plutôt que de concurrencer la Suisse en encourageant baisses d’impôt et simplifications des systèmes fiscaux, comme le font ses membres les plus récents - ce qui profite à tous - l’UE semble préférer la voie du nivellement par le bas de sa compétitivité économique. Le message est clair: si nous sommes incapables d’avoir un système efficace et raisonnable, entraînons au moins les autres pays avec nous dans la spirale des dépenses étatiques démesurées et de la fiscalité étouffante qu’elles impliquent.
Lorsque l’UE n’accuse pas d’évasion fiscale les contribuables qui font des choix en fonction de leurs intérêts légitimes, elle pointe du doigt les rares Etats ou cantons à faire des réformes sensées. En somme, tant l’offre que la demande de fiscalité raisonnable seraient néfastes. Or, dans le premier cas, «l’évasion fiscale», la possibilité même d’exit est critiquée, comme si les citoyens étaient prisonniers de leur Etat, dont ils tenteraient sournoisement de s’évader. Dans le second cas, les critiques semblent tout aussi fallacieuses: une fiscalité attractive serait équivalente à de «l’aide d’Etat illégale», ce qui entretient la confusion habituelle entre «ne pas prendre» et «donner», alors que la différence semble évidente à moins de considérer toute richesse comme appartenant en premier lieu à l’Etat.
Quant à l’accusation de discrimination entre entreprises suisses et européennes, elle est justifiée, mais puisque ce sont les entreprises suisses qui en sont victimes, ce serait à elles de se plaindre! Elles devraient demander non pas à augmenter encore les impôts pour les entreprises européennes s’installant en Suisse, ce qui serait dommageable pour la compétitivité fiscale de cette dernière, mais bien plutôt à profiter du même «traitement de faveur» qu’elles.
La concurrence fiscale est souvent accusée de tous les maux. Or, elle n’est rien d’autre que la mise en compétition de différentes fiscalités, ce qui offre l’avantage indéniable de pouvoir les observer, voir laquelle fonctionne le mieux et laquelle est préférée par les contribuables.
La concurrence institutionnelle, le fédéralisme et la diversité politique ont contribué à la richesse de la Suisse et de l’Europe en général. La centralisation et la cartellisation fiscale au niveau du continent voulues par l’UE accroîtraient le pouvoir des politiciens, au détriment des libertés individuelles et de la société civile. En laissant la politique fiscale être menée à des niveaux politiques aussi éloignés des citoyens, le risque est grand que la politique ne se soucie plus de minimiser la charge fiscale pesant sur les contribuables, mais cherche au contraire à maximiser les recettes de l’Etat et ainsi le pouvoir de la bureaucratie centralisée, au détriment de la prospérité économique. Cette concurrence, d’autant plus quand elle se joue, comme en Suisse, aux niveaux cantonal et communal en plus du niveau national, permet aux citoyens de réagir rapidement en cas d’augmentation inacceptable de la charge fiscale, chose qui serait impossible dans le cas d’une fiscalité parfaitement «harmonisée», voire, pire, dans le cas d’un impôt européen ou mondial, une menace parfois suggérée par l’UE et l’ONU.
Sans concurrence fiscale, les Etats se soucient bien moins de prélever les impôts de façon efficace et d’en utiliser l’argent de façon parcimonieuse. Outre l’utilisation plus responsable et moins dépensière des ressources fiscales, la concurrence pousse également à réduire les gaspillages et les distorsions économiques induites par une fiscalité non neutre. Le fait même de prélever des impôts peut coûter une part importante de l’argent prélevé, coûts qui sont ainsi une charge nette pour la société et qu’il convient dès lors de minimiser en tendant vers un système fiscal plus efficace. Or, quelle meilleure incitation que des contribuables et des entreprises pouvant choisir le système le plus attractif pour pousser les Etats à trouver des solutions à ces défis? La concurrence fiscale est dans l’intérêt tant de la Suisse que de l’Europe - même si elle peut être pénible pour les politiciens.