Les appels à des politiques de quotas se font à nouveau entendre, qu’ils soient explicites, comme dans le cas des femmes de divers partis les réclamant pour les élections au Conseil national, ou sous-entendus, comme pour la représentativité régionale du Conseil fédéral. L’élection récente du nouveau vice-chancelier fédéral a en effet choqué l’en- semble de la classe politique «latine», principalement parce que l’élu n’en était pas issu. Aurait-elle été aussi indignée si la surreprésentation avait été en sa faveur?
Si tous les prétextes sont bons pour chercher d’affreuses causes discriminatoires à la proportion moindre de femmes dans tel ou tel domaine, dans le cas des femmes en politique, ils se heurtent à une réalité criante: les femmes ont le droit de vote, et il y a autant d’électrices que d’électeurs. Comment alors expliquer, si l’on part de la vision collectiviste impliquée par les quotas, que les femmes fassent preuve de si peu de solidarité entre elles et élisent, horresco referens, des hommes?
En somme, dans ce cas-là, ce sont les femmes qui sont attaquées par les propositions de quotas: elles feraient de mauvais choix, en se rendant moins nombreuses aux urnes que les hommes, en élisant des hommes plutôt que des femmes ou en étant moins nombreuses qu’eux à s’engager en politique. Elles seraient donc incapables de choisir librement leurs dirigeants ou dirigeantes, elles devraient être aiguillées pour faire preuve de plus de solidarité de genre. Autrement dit, certaines femmes veulent imposer leurs choix et leurs préférences subjectives à d’autres femmes. Ce constructivisme, en ne se focalisant que sur des rapports de quantité entre groupes collectifs, nie la richesse de la diversité humaine et des caractéristiques personnelles de chacun, méprise l’individu et sa liberté de choix.
L’autre prémisse de ces propositions corporatistes, c’est que les femmes devraient élire des femmes, les hommes des hommes, les Romands des Romands, etc. Chacun pour soi. Mais alors, à quoi bon des élections: un Alémanique ne pourra qu’échouer lamenta- blement à défendre les intérêts des Romands, tandis qu’un Romand, quel qu’il soit, sera de toute façon compétent pour les défendre. Plus besoin de démocratie pour choisir les membres du Conseil fédéral, le recensement suffit!
A cette perception de la société, comme une lutte entre des classes aux intérêts distincts et antagonistes où tout se résume à quel groupe saura le mieux défendre ses intérêts au détriment de ceux des autres, le libéralisme oppose sa perspective sur la société comme une association harmonieuse d’individus aux intérêts personnels et non collectifs d’une part, complémentaires et non antagonistes d’autre part. Ainsi, il est en effet fondamental d’avoir un Romand s’il s’agit de quémander des subventions fédérales pour la Suisse romande, nécessairement limitées et donc exclusives, mais l’origine de la personne importe moins s’il est question de promouvoir le libre-échange et la défense des droits de propriété, valeurs qui, pour être défendues efficacement, ne peuvent l’être qu’en tant que principes universels.
L’égalité parfaite en résultats, que ce soit dans le domaine de la politique démocratique ou du marché libre, est un but irréaliste, injustifié et dangereux. Puisque la société n’est pas parfaitement homogène, il y a nécessairement des différences – et donc des inégalités – entre les choix et les actions des individus, différences qui ne sauraient être résumées par des classes déterministes.
La vraie égalité, c’est celle, libérale, en droit: chacun a les mêmes droits, dont celui de choisir librement, même si cela veut dire créer des «inégalités». L’Etat, par contre, puisqu’il doit maintenir l’égalité en droit, ne devrait pas discriminer. Des discriminations de sa part créent des inégalités en droit et sont donc inacceptables. Il ne devrait par conséquent pas s’occuper de sexe ou d’origine régionale, ni pour discriminer les uns, ni pour discriminer «positivement» les autres par des quotas.