Institut Laissez-faire : La liberté sans compromis.

La prostitution: un marché comme un autre

Alors que les atteintes à la liberté économique sont les plus nuisibles à la prospérité, celles à la liberté personnelle sont tout aussi dangereuses en cela qu’elles permettent à l’Etat de repousser d’autant les limites à son action : si l’intervention de l’Etat sur le marché du travail lui permet de se mêler de la vie des entreprises et donc d’entrer dans les bureaux, les atteintes aux libertés personnelles vont parfois jusqu’à lui ouvrir la porte des chambres à coucher, risquant ainsi de justifier une surveillance totalitaire afin d’appliquer les lois.

La distinction entre libertés personnelles et libertés économiques n’est, cependant, que rarement pertinente : la liberté d’expression personnelle implique la liberté économique de vendre ses livres ou fonder son journal. Même la liberté de travail peut être vue comme une forme de la liberté d’association. Dans le cas de la prostitution, sous le feu des critiques en vue du Mondial 2006, la vente d’un service sur le marché est liée à l’une des libertés les plus intimes qui soit : la liberté sexuelle.

En plus de porter atteinte aux droits individuels, l’interdiction de la prostitution a des conséquences déplorables : en France, à la suite de la pénalisation du «racolage passif», les péripatéticiennes doivent se cacher de la police, et ainsi, inévitablement, s’éloigner aussi de sa protection éventuelle, devenant plus facilement la proie d’agressions. L’argument de la santé et de la sécurité publiques n’est alors pas valable : comme pour d’autres marchés injustement prohibés, la répression ne fait qu’empirer les problèmes qu’elle prétend résoudre. De même, le cas de la traite des femmes forcées à se prostituer n’est en rien un argument pour interdire la prostitution, puisque la violence exercée n’est pas une caractéristique intrinsèque à la profession : ce n’est pas parce que certains sont contraints de pratiquer un métier que le métier lui-même cesse d’être honnête.

L’enlèvement, le viol, la séquestration, la menace et l’extorsion sont des crimes interdits dans tous les cas, qu’ils soient ou non liés à la prostitution, et celui qui les commet doit être condamné, qu’il soit ou non un proxénète. Par contre, si les proxénètes ou autres tenanciers de maison close se contentent de faciliter la rencontre entre la prostituée et le client ou assurer la sécurité des prostituées en échange d’une part de leur revenu, il n’y a là rien de condamnable : tant qu’il s’agit d’un accord volontaire. Le travail du proxénète n’est pas à distinguer d’une activité commerciale «normale», et la prostituée n’est alors «exploitée» qu’au sens marxiste d’après lequel tous les travailleurs le sont.

Tolérer le viol, interdire la prostitution, la pornographie ou l’homosexualité relève de la même négation fondamentale de la liberté sexuelle : ce n’est pas un hasard si les sociétés qui nient les droits de l’homme et méprisent les femmes sont aussi celles qui pratiquent le mariage forcé et emprisonnent ou exécutent les prostituées. Il est plus étonnant que certaines soi-disant «féministes» prétendent défendre les droits des femmes en niant leur droit le plus fondamental, celui de disposer de leur propre corps comme elles l’entendent. Les féministes individualistes, au contraire, ont raison de défendre le droit des femmes de se prostituer si c’est leur choix : quoi de plus antifemme que de prétendre décider à la place de chaque femme de sa vie sexuelle?

La prostitution est également critiquée pour son aspect «marchand», l’argent et le marché étant vus comme immoraux et donc nécessairement dégradants et condamnables. Or, l’argent n’est qu’un intermédiaire de valeur et le marché l’ensemble des échanges volontaires entre individus : les diaboliser est absurde. Que l’un des deux partenaires d’un acte sexuel (ou les deux dans le cas du tournage de films pornographiques) soit payé pour cela ne change rien à la seule question décisive pour juger de sa légalité, qui est de savoir s’il a lieu entre deux adultes consentants, autrement dit s’il s’agit d’un échange volontaire. Il est dès lors incohérent de punir soit la prostituée, soit le client : puisque les deux sont consentants, il n’est justifié de punir ni l’un ni l’autre. Le fait qu’un échange soit ou non monétaire n’est en rien pertinent pour déterminer sa légalité : il n’est pas plus justifié d’interdire le sexe contre de l’argent que d’interdire le sexe tout court.