L’échec, en France, du Contrat de première embauche témoigne de la difficulté que peut avoir un pays à s’extraire d’ingérences étatiques devenues un cercle vicieux: en accordant des privilèges (les fameux «acquis sociaux») aux employés, leur situation devient certes relativement plus avantageuse, mais trouver un emploi s’avère d’autant plus difficile. Ceux qui parviennent à obtenir un poste ne veulent plus de réformes favorisant les flux de travailleurs et menaçant donc leur emploi du moment. Et ceux qui n’y sont pas encore parvenus espèrent faire partie un jour des insiders du système. Résultat? Le rêve de trois quarts des jeunes Français se limite à devenir fonctionnaire. La recherche effrénée de privilèges au détriment du reste de la société s’impose ainsi en tant qu’attitude sociale dominante, au lieu de la valorisation de la création de richesses.
Pendant ce temps, aux Etats-Unis, les travailleurs prétendument exploités par le capitalisme tant honni voient leurs salaires augmenter, et de plus en plus d’entre eux trouvent un emploi, avec un taux de chômage jusqu’à deux fois plus faible qu’en Europe. La terrible «précarité» qu’ils subissent, pouvant être renvoyés à la minute, n’est-elle pas aussi une opportunité de retrouver rapidement du travail? C’est bien le cas: lorsqu’ils perdent leur emploi, plus de deux tiers des Américains en retrouvent un dans les trois mois, contre moins d’un quart des travailleurs «protégés» des Etats Providence européens. Plus il est difficile de se séparer d’un employé, plus un employeur réfléchira à deux fois avant d’engager. Un marché du travail paralysé implique en outre que l’employeur ne peut pas choisir les meilleurs employés au meilleur prix: il reste bloqué avec ceux qu’il a, qui sont ainsi d’autant moins incités à donner le meilleur d’eux-mêmes. Cette inefficacité a bien sûr un coût pour l’entreprise: autant de ressources qu’elle ne pourra pas investir dans l’emploi de nouveaux salariés.
En plus de l’inégalité entre travailleurs privilégiés et chômeurs, il y en a une autre, flagrante sur les marchés du travail trop réglementés, celle entre employés et employeurs: si l’employé peut se retirer du contrat sans devoir s’en justifier, pourquoi devrait-il en être autrement pour l’employeur? De même, alors que l’employé peut choisir librement quel emploi accepter et quel emploi refuser, l’employeur risque d’être accusé de «discrimination» dès lors qu’il refuse d’engager un employé pour des raisons que d’autres n’approuvent pas. Pourtant, obliger un individu à travailler avec un autre, alors qu’il n’est pas ou plus d’accord de le faire, ne saurait être justifié, à moins d’approuver également le travail forcé. Il s’agit d’une négation de la liberté de travail, qui a pour conséquence de décourager certains employeurs potentiels d’entreprendre et en pousse d’autres à s’en remettre à des réseaux informels plutôt qu’à une procédure d’embauche ouverte pour recruter, avec le résultat d’exacerber encore les problèmes d’accès au marché du travail.
Il en va de même en imposant des types particuliers de contrat aux individus, plutôt que de les laisser décider de leur plein gré des bases sur lesquelles ils souhaitent collaborer. Ceux qui veulent s’immiscer dans les procédures de recrutement, par exemple, oublient que lorsque les choix des employeurs sont réellement irrationnels, le marché les sanctionne automatiquement: une sélection effectuée sur des critères sans rapport avec la productivité de l’employé empêche d’engager le plus qualifié et s’avère donc moins profitable pour l’employeur. De même, la libéralisation de la législation du travail ne signifie pas que les employés signeraient n’importe quoi; après tout, guère un Suisse ne travaille pour 1 franc de l’heure, malgré l’absence de salaire minimum légal.
Ainsi que le corrobore l’expérience, le marché de l’emploi, comme tout autre marché, ne peut fonctionner correctement que s’il est laissé libre: alors que la concurrence entre employés améliore leur productivité, celle entre employeurs amène de meilleures conditions pour les employés. Les législations du travail, en entravant cette saine concurrence, nuisent tant aux employeurs qu’aux employés. Pour véritablement réduire le chômage et accroître les opportunités d’emploi, il serait préférable que l’Etat s’en tienne au laissez-faire au lieu de chercher par quelle meilleure façon s’ingérer dans les relations contractuelles entre individus