La votation du 25 septembre approchant, les affiches simplificatrices pour ou contre l’extension de l’accord sur la libre circulation aux nouveaux Etats membres de l’UE se multiplient. Le débat a la particularité de remettre en question non seulement la libre circulation avec les nouveaux membres, mais aussi celle avec les membres actuels (tant sur le plan logique que politique), voire, en remettant à l’ordre du jour le ressassé mythe du stock fixe d’emplois à répartir à choix entre les citoyens du pays ou les étrangers, l’immigration en général.
Or, le nombre d’emplois n’est pas fixe. Il dépend notamment de la productivité économique (et l’expérience montre qu’une concurrence accrue sur le marché du travail conduit à son accroissement), ainsi que, bien entendu, du nombre d’habitants consommateurs, nombre que les immigrés viennent aussi renforcer. Il est alors faux de prétendre que les étrangers viendraient «voler» le travail des indigènes, d’autant plus qu’un travail n’est pas une propriété, mais un contrat. Et il ne vient pas d’un «droit» à un emploi octroyé par un passeport, mais de l’accord entre l’employé et l’employeur.
De la même façon qu’il serait économiquement suicidaire de vivre en autarcie dans sa maison, en n’acceptant d’employer que les membres de sa famille, le libre échange avec le reste du monde et l’emploi d’étrangers sont, pour un pays, indispensables pour lui donner les moyens d’obtenir une plus grande spécialisation du travail, une meilleure allocation des facteurs de production et, ainsi, davantage de croissance économique. D’autant plus quand ce pays est relativement petit comme la Suisse.
Les Suisses ne devraient pas craindre la concurrence de l’étranger. Après tout, même si des étrangers peuvent être prêts à travailler pour des salaires plus bas que ceux des Suisses, ces derniers peuvent avoir d’autres avantages comparatifs: expérience locale, langue, réseaux de contacts, qualité et précision du travail, etc. Il est à ce titre paradoxal que certains milieux habituellement toujours prêts à se montrer internationalement solidaires s’opposent à l’emploi d’étrangers. Tant ici, car cela causerait du dumping, que là-bas, si c’est par des délocalisations. Préfèrent-ils que seuls les Suisses travaillent, et ensuite soient lourdement taxés au profit d’immigrés oisifs, interdits de travail?
L’immixtion de l’Etat dans les déplacements individuels génère d’ailleurs parfois cette situation: en empêchant certains requérants d’asile de travailler, elle les encourage indirectement à l’illégalité et conduit à un ressentiment compréhensible de la population à leur égard. En limitant fortement l’immigration de certains pays, et en surréglementant le marché de l’emploi, le travail au noir devient alors difficile à éviter, autant pour certains employeurs que pour certains immigrés. De même que les investissements à l’étranger, autorisés par le libre échange, valent mieux que les subventions internationales pour soutenir le développement économique, l’emploi d’immigrés, approuvé par la libre circulation des personnes, est préférable aux subventions individuelles pour aider et intégrer les étrangers.
Au-delà de l’aspect économique, c’est de justice qu’il s’agit : liberté d’association et liberté de contrat appartiennent au même principe fondamental du droit libéral qu’il ne faudrait pas limiter par des frontières politiques. Puisqu’un travail est un contrat, un accord entre deux personnes, l’intervention d’un tiers, qui prétend l’empêcher, est une violation des droits individuels des contractants, à l’instar d'ailleurs également des «mesures d’accompagnement» protectionnistes incluses à l’objet soumis au scrutin le 25 septembre.
Mais la liberté d’association ne fait pas que justifier l’immigration, elle en pose aussi les limites : lois antidiscrimination, discrimination «positive» et intégration forcée sont autant de mesures semblant favoriser les immigrés, mais qui, en réalité, sapent la justification même de la libre circulation, le libre choix des contractants, et sont dès lors à proscrire. L’immigration ne doit pas non plus être encouragée par l’Etat sous forme de subventions et autres incitations de l’Etat Providence ou de privilèges accordés aux immigrés. La liberté de contrat bien comprise, sans frontières et sans entraves ni discriminations étatiques, est à la fois une nécessité économique et un impératif moral. Elle mérite d’être soutenue sans réserve.