Selon l'UDC, « L'initiative populaire “pour des naturalisations démocratiques” combat les naturalisations en masse et accroît la sécurité ». Les opposants à l'initiative, pour leur part, dénoncent le risque de « discrimination » voire de « racisme » induit par l'initiative.
Or, les propos des deux côtés semblent inexacts. L'incidence de l'initiative sur les « naturalisations en masse » ne pourra qu'être indirecte, et le lien avec la « sécurité » semble encore plus ténu : en quoi le fait de donner la nationalité suisse à quelqu'un qui (généralement...) habite déjà en Suisse pourrait-il réduire la sécurité en Suisse ? De l'autre côté, les accusations de discrimination ou de racisme sont également peu convaincantes : une décision d'une majorité électorale peut tout autant être « raciste » qu'une décision d'un organe qui reste (rappelons-le...) élu directement ou indirectement par ce même électorat. En outre, la discrimination et le racisme sont implicites dans les notions mêmes de politique des étrangers et de nationalité, quelle que soit la façon dont cette dernière est accordée. Puisqu'il y a bien discrimination à l'entrée en Suisse et sur l'autorisation de séjour (par exemple l'indéniablement raciste politique des trois cercles), il semble particulièrement hypocrite de se scandaliser d'une éventuelle discrimination aux conséquences après tout bien moins dramatiques qu'une expulsion ou un refus d'entrée en matière.
La teneur de l'initiative est la suivante : « Le corps électoral de chaque commune arrête dans le règlement communal l'organe qui accorde le droit de cité communal. Les décisions de cet organe sur l'octroi du droit de cité communal sont définitives. »
Cette proposition appelle trois remarques.
Premièrement, la question posée est avant tout institutionnelle : les communes peuvent-elles accorder le droit de cité de la façon qu'elle veulent, y compris par la démocratie directe ? Les opposants qui avancent que non en mettant en cause la « compétence » du « peuple » ou le risque que le peuple prennent des décisions discriminatoires (de « mauvaises décisions », en somme) ne présentent guère d'argument cohérent, puisque ce genre de considération serait valable pour toute décision démocratique. Dans la mesure où ils se considèrent certainement eux-mêmes comme démocrates, ils peuvent difficilement critiquer l'initative sur ce plan-là de façon convaincante.
En outre,le citoyen moyen serait-il moins compétent sur cette question que sur bien d'autres qui lui sont soumises (citons les questions d'ordre économique, les débats sur les biotechnologies, etc) ? De plus, la démocratie est-elle vraiment une question de compétence, et pas plutôt de choix des gens sur les questions qui les concernent ?
La nationalité est un concept qui se passe difficilement d'un certain nationalisme. L'UDC a le mérite d'en présenter une vision cohérente : la nationalité comme appartenance à une communauté, et les membres de cette communauté choisissant librement les nouveaux membres qu'ils acceptent dans cette communauté. Cette vision de la nationalité peut sans doute être critiquée, mais les opposants à l'initiative n'ont jusqu'à présent guère présénté d'autre vision cohérente de la nationalité.
De toute manière, tout organe qui accorde les naturalisations sera issu directement ou indirectement du vote populaire. Libre à un peuple raciste d'élire des représentants racistes qui prendront des décisions racistes, le rejet de l'initiative ne l'empêcherait pas.
Deuxièmement, pour cette même raison, l'initiative est à double tranchant : si une commune veut distribuer les naturalisations dans un petit bac comme sur l'affiche de l'UDC, ce n'est pas l'initiative qui l'en empêchera.
Troisièmement, il y a bien un argument valable contre l'initiative : la commune a beau accorder le droit de cité et non la nationalité en tant que telle, sa décision influe bien sur cette dernière. Rien n'empêcherait un Suisse naturalisé par une commune naturalisant en masse de s'installer dans une commune naturalisant au compte-gouttes. La nationalité est donc avant tout affaire nationale, et non communale, dans ses conséquences pratiques et concrètes.
S'il y a donc bien un argument démocrate contre l'initative, c'est celui-là : si la nationalité concerne toute la Suisse, alors il est démocratique de laisser les organes démocratiques de toute la Suisse se prononcer sur la question.
L'ingérence du Tribunal fédéral dans les décisions communales peut tout à fait se défendre sous cet angle-là. Mais il faudrait alors être cohérent et aller plus loin, ce qui serait aussi plus compréhensible que la situation actuelle pour le citoyen moyen : enlever purement et simplement aux communes toute autorité en la matière. Les demandes de naturalisations seraient alors directement adressées à Berne, sans que les communes aient leur mot à dire. Il n'est guère évident que ce serait souhaitable, mais c'est en ces termes-là qu'il faudrait poser le débat.