Johnny Hallyday n'est qu'un exemple parmi d'autres de contribuables européens, français notamment, choisissant de s'installer en Suisse pour échapper à des impôts confiscatoires. La somme des impôts dont un contribuable doit s'acquitter atteint en effet, en France, parfois plus que le revenu du contribuable. Johnny, lui, ne devait payer « que » 72% de son revenu : qu'il ait fini par trouver cela exagéré semble parfaitement compréhensible.
De tels impôts, prétendument « solidaires », peuvent difficilement être vus comme autre chose qu'une volonté de « plumer les riches » : est-il dès lors étonnant que ces derniers cherchent à « s'enfuir » sous des cieux plus cléments ?
S'en scandaliser relève d'une inversion des valeurs pernicieuse. Un exemple flagrant en est donné par Arnaud Montebourg, porte-parole de la candidate à la présidence de la République française Ségolène Royal (Libération du 2 janvier 2007) : selon lui, Johnny se livrerait à du « chantage » simplement en exerçant sa liberté de mouvement, des impôts moins élevés qu'ailleurs seraient des « pratiques prédatrices » et équivaudraient à une façon pour certains pays de « financer leurs besoins par la richesse des autres » et à « déposséder » la France de la « substance » de ses « gisements fiscaux » (sic), et, comble du comble, ce serait de la faute des paradis fiscaux, et non de dépenses publiques excessives, si la France risque d'être un enfer fiscal. Pour un peu, il en viendrait à accuser Johnny d'avoir volé à la France la part de son revenu qu'il n'y payait pas en impôts.
D'autre part, toujours selon Arnaud Montebourg, « en refusant de payer son écot aux besoins de la maison France, qui l'a élevé et chéri, [Johnny] injurie tous les autres citoyens qui participent avec conscience au financement de l'intérêt général et qui paient leurs impôts sans sourciller ».
Or, Johnny a-t-il une dette envers la France qu'il devrait rembourser en payant les trois-quarts de son revenu ? Suffit-il de naître « élevé et chéri » par la « maison France » pour être un chanteur à succès, ou ne faut-il pas, tout de même, un peu de talent personnel ? Quant aux autres citoyens, ils ne paient pas leurs impôts « avec conscience » et « sans sourciller », mais parce qu'ils n'ont pas le choix, et ils ne financent pas un mythique « intérêt général », mais bien les intérêts particuliers de certains.
Arnaud Montebourg suggère également de s'en prendre à la Suisse en s'inspirant d'un blocus contre Monaco de 1963. La France en est-elle vraiment au point que certains politiciens haut placés envisagent sérieusement de menacer militairement des États voisins lorsque ceux-ci commettent l'impudence de traiter mieux les Français qu'elle-même ?
Dans tous les cas, en s'en prenant ainsi personnellement à un contribuable et qualifiant d'« incivisme » son départ, le porte-parole de Ségolène Royal semble bien considérer l'émigration d'un contribuable comme un problème qu'il faut sinon empêcher, du moins dénoncer fermement.
Les socialistes du XXe siècle avaient trouvé la solution à ce genre de « problème » : le Mur de Berlin. Est-ce donc cela, le programme social-démocrate du PS français du XXIe ?