Dans ce débat, il ne s’agit pas de déterminer si le port de la Burqa est un symbole d’extrémisme ou de soumission féminine. Le seul débat qui, à mon sens, se montre productif est celui de déterminer si l’Etat a le droit ou non d’interdire un vêtement, quel que soit le degré d’affect qu’il comporte. Voici la vraie question. Que l’on juge le port de la Burqa comme une insulte à la liberté de la femme pour ensuite lui interdire de la porter me paraît passablement contradictoire. Peu importe la symbolique que l’on associe à un vêtement, c’est une liberté fondamentale que de se vêtir comme on l’entend.
Cette interdiction me rappelle le cas de cette journaliste au Soudan qui avait été condamnée pour avoir porté un pantalon. Bien que les sanctions divergent grandement entre la France et le Soudan, l’objet de l’interdiction reste le même : le port d’un vêtement. Je m’étonne ainsi que le cas de la journaliste au Soudan ait tant soulevé les foules et que, concernant le port de la Burqa, les réactions soient si mitigées. Ne s’agit-il pas fondamentalement du même acte?
Ainsi, si en Suisse nous venions à interdire le port de la Burqa, nous atteindrions le niveau d’autoritarisme et d’intolérance pratiqué au Soudan. Réjouissante perspective.
Certains diront que les interdictions concernant le pantalon et la Burqa ne peuvent être comparées puisque la Burqa est portée de force. Je ne doute pas qu’il y ait une partie des femmes obligées de porter ce vêtement et loin de moi la volonté de minimiser leurs souffrances. Mais l’instauration d’une interdiction du port de la Burqa, à mon avis, ne fera qu’empirer le sort de ces femmes. En effet, cette interdiction risque d’avoir comme conséquence leur enfermement à l’intérieur du domicile. En conséquence, ces femmes déjà passablement marginalisées se retrouveront complètement isolées.
Quant aux femmes qui portent la Burqa par choix, je ne comprends même pas que l’on envisage de légiférer leurs choix vestimentaires. Le fait que le port de la Burqa ne soit pas inscrit dans le Coran ne me paraît pas non plus une raison pour l’interdire. Au fond, peut importe pourquoi elles la portent, du moment que c’est volontaire, personne d’autre n’a le droit de décider de leur mode de vie.
En conclusion, si jamais Genève finissait par adopter ou être soumise à cette interdiction, nous serions quelque part revenus au temps de Calvin, si cher aux genevois, qui avait, dans un profond souci de moralité, établi une liste exhaustive des tenues, accessoires et parures interdits pour préserver les citoyens d’une influence jugée néfaste.