Le libéralisme n’est ni de gauche, ni de droite. Le libéralisme est une théorie du Droit qui délégitime la politique. « Gauche » et « droite » sont des affiliations tribales dans le cadre de conflits politiques. Dans la mesure où l’on est « de gauche » ou « de droite », l’on n’est pas libéral dans la même mesure. Dans la mesure où l’on est libéral, l’on n’est ni « de gauche » ni « de droite » dans la même mesure.
Être « de gauche » ou « de droite », c’est rêver d’imposer sa volonté à d’autres personnes, soit par la violence politique qui les contraindra à s’y plier, soit par quelque poudre de perlimpinpin qui les fera magiquement changer d’avis. Être « de gauche » ou « de droite », c’est se soucier de ce que les autres personnes font de leur propre propriété — et vouloir les contrôler. C’est aussi se parer de supériorité morale et répondre par « oui » ou par « non » à des questions telles que « faut-il être plus gentil — ou moins gentil — envers les autres, selon leur sexe, leur ethnicité, leur lieu de naissance, leur religion, leur culture, leur fortune, leur éducation, etc. ? » Le libéral, au contraire, répond : « Mais qui donc êtes-vous pour prétendre commander autrui ? Quels sont vos titres de supériorité ? Si vous vous souciez vraiment des “pauvres” (ou de tout autre groupe de personnes plus ou moins vaguement défini), alors faites quelque chose pour eux avec vos propres ressources ! Ne dépouillez pas des tiers de leurs ressources, de leur temps, de leur libre-arbitre, pour le faire à votre place. »
Le libéralisme n’est jamais partisan. Un libéral qui se soucie vraiment des « pauvres » n’est pas un « libéral de gauche », militant en faveur de règles spéciales favorisant certains « pauvres », mais un libéral qui soutient financièrement ces « pauvres », ou mieux, développe activement soit une œuvre de bienfaisance, ou mieux encore, une entreprise commerciale, qui améliore leur sort jusqu’à ce qu’ils ne le soient plus, « pauvres ». Un libéral qui se soucie vraiment des « bébés non-nés » n’est pas un « libéral de droite », luttant pour des règles spéciales favorisant certains « bébés non-nés », mais un libéral qui dépense son temps et son argent à améliorer le sort de ces bébés non-nés, en soutenant leurs mères adolescentes ou démunies, en adoptant l’un de ces bébés, en éduquant les parents potentiels sur les moyens de contraception, etc. De même, un libéral qui se soucie du Paris Saint-Germain n’est pas un « libéral pro-PSG », exigeant des règles spéciales favorisant le PSG, mais bien un libéral qui travaille dur en tant que membre de l’équipe du PSG ou du personnel d’accompagnement. Dans tous les cas, l’identification tribale et les slogans décervelés sont au mieux des vices lorsqu’ils sont des prétextes pour s’auto-congratuler en restant oisifs, au pire des péchés quand ils inspirent des violations de droits.
Il existe bien sûr une infinie variété de buts qu’un libéral peut poursuivre ; mais à aucun moment un libéral ne demande que tout le monde suive son choix de causes à soutenir ; il n’exige rien des autres, si ce n’est le respect du Droit, c’est à dire le respect des droits de propriété, les siens propres et ceux de toute autre personne. Bien sûr, un libéral préférera s’associer à des personnes qu’il apprécie, qui l’apprécient, qui partagent ses valeurs, etc. Autrement dit, il discriminera en leur faveur, au détriment des autres. Mais il n’exigera pas que d’autres discriminent de la même façon que lui : c’est là le principe même de la liberté d’association ! Bien entendu, il aimera propager ses idées, et se réjouira lorsque d’autres viendront à les partager ; mais jamais il ne considérera la force comme un moyen légitime pour arriver à cette fin, et encore moins la force suprême des sicaires de l’État.
Le libéralisme est une théorie du Droit : il explique que les conflits entre les hommes sont minimisés lorsqu’ils se reconnaissent mutuellement les droits de propriété les uns des autres, selon les principes de la propriété de soi, de l’appropriation initiale des ressources non-appropriées, de la préservation de la propriété quand elle est transformée par le travail, et de sa transmission par échange et don volontaires. Le seul et unique impératif social est de respecter ces droits de propriété ; toute violation de ces droits de propriété est destructrice de l’ordre social ; et cette destruction est encore pire lorsque la violation est promue plutôt que condamnée par les institutions humaines. La politique consiste en la violation institutionnelle des droits de propriété par les puissants, par la violence et la menace de violence. Ces puissants peuvent tirer leur pouvoir d’une technologie plus avancée, d’une plus grande fortune, d’une meilleure santé, d’une population plus nombreuse, d’une intelligence supérieure, d’un régime alimentaire plus riche, d’une organisation plus efficace, d’une culture généralement supérieure, d’une meilleure capacité à laver le cerveau de leurs victimes, ou de toute combinaison des facteurs ci-dessus ou d’autres facteurs omis. Quoi qu’il en soit, la politique est l’antithèse du Droit libéral.
Gauche et droite sont deux pôles dans la polarisation naturelle de la politique : il y a inévitablement dans la conquête du pouvoir sur les hommes et les ressources naturelles un vainqueur qui emporte toute la mise, et des alliances binaires se forment spontanément dans un tel contexte. Cet axe gauche-droite n’a donc jamais été fondé sur quelqu’ensemble déterminé d’idées, mais toujours sur une lutte partisane pour le pouvoir. La division historique entre ces pôles s’est en général faite autour d’une « droite » qui prétend défendre les intérêts de ceux favorisés par l’ordre traditionnel et d’une « gauche » qui prétend défendre les intérêts de ceux défavorisés par cet ordre traditionnel — avec des variations dérisoires lorsque la « gauche » maintient un nouvel ordre assez longtemps pour qu’il devienne une tradition. La « droite » tend donc à défendre l’intensification des formes anciennes d’oppression et tout ce qu’il y a de mauvais dans l’ordre actuel, cependant que la « gauche » tend à proposer de nouvelles formes d’oppression et est subversive de tout ce qu’il y a de bon dans l’ordre actuel. Les politiciens des deux côtés sont en général d’accord sur la croissance indéfinie du pouvoir politique, avec occasionnellement la diminution ou l’abolition d’un programme qui ne soutient le pouvoir que d’un seul parti, minoritaire.
Dans une société libérale, nulle personne honnête et saine d’esprit ne pourra se revendiquer sérieusement d’être « de gauche » ou « de droite » : il n’y aura pas de partition politique entre deux alliances pour s’emparer du pouvoir, chaque camp proposant un assemblage donné arbitrairement défini de revendications et d’opinions ; au contraire, l’intérêt de chaque individu sera unique et ne rentrera dans aucune classification grossière de ce type. Toute personne proclamant sérieusement être « de gauche » ou « de droite » sera au pire un criminel fier de l’être, devant être traité comme tel, au mieux une personne dérangée mentalement prétendant être un tel criminel, probablement un vieux radoteur laissant s’exprimer un traumatisme remontant à une époque pré-libérale ; ou moins sérieusement, un comédien incarnant temporairement l’un des cas précédents.
Ceux qui se proclament aujourd’hui « libéraux de gauche » ne comprennent pas le libéralisme ; ils ne sont souvent que des « idiots utiles » au sens employé par Lénine, faisant la promotion de certaines idées communistes sans en comprendre les conséquences — à moins d’être d’authentiques agitateurs socialistes avançant masqués (la distinction entre les deux n’est pas toujours claire). Ceux qui se proclament aujourd’hui « libéraux de droite » ne comprennent pas non plus le libéralisme ; ils ne sont que les pantins de vieilles superstitions, et soutiennent souvent un politicien de droite contemporain qui reprend mal les opinions de politiciens de gauche du siècle précédent. Il y a toutes sortes de dupes, bien sûr, et certaines parmi elles pourront effectivement partager sincèrement un certain nombre d’idées libérales.
Mais soyons clairs : ceux qui sentent devoir assortir leur libéralisme d’un qualificatif « de gauche » ou « de droite », ou l’affubler de quelque préfixe ou suffixe que ce soit, révèlent ainsi clairement qu’ils rejettent certaines parties du libéralisme pour adopter une philosophie politique opposée sur des sujets pour lesquels ils jugent que certains viols de droits de propriété sont justifiés. Si de telles personnes ressentent le besoin de s’appeler libéraux de gauche, libéraux de droite, du milieu, de l’avant ou de l’arrière, libéraux-conservateurs, national-libéraux, néo-libéraux, paléo-libéraux, végo-libéraux ou que sais-je encore, soyez certains qu’il y a au moins un sujet sur lequel ils ne sont pas libéraux. Bien sûr, sur ce sujet, ils expliqueront pourquoi ceux qui, ne suivant par leurs théories, s’en tiennent au libéralisme, ne sont que de « vulgaires » libéraux, ou des libéraux vulgaires. Ainsi soit-il. Nous, les contributeurs de ce site, nous bornons bien à n’être guère que de simples libéraux — de vulgaires libéraux ! — sur chacun des sujets variés que ces divers post-libéraux éclairés tiennent à cœur comme exceptions aux droits de propriété. Notre réponse consiste à reconnaître à chacun ses propres intérêts, ses propres obsessions, et ses propres névroses sur certains sujets — avec toutefois cette réserve que nul n’a le droit d’utiliser ses préférences personnelles comme prétexte pour violer les droits d’autrui. Ces libéraux à particule pourront prétendre avoir « dépassé » le libéralisme ; nous affirmons qu’ils ne l’ont pas encore atteint.