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La TVA: un impôt plus nuisible qu’il n’y paraît

La TVA continue de jouir en général d’une bonne réputation. Impôt simple, clair, elle serait peu visible et donc peu gênante; en tant qu’«impôt sur la consommation», elle ne pénaliserait pas le travail. En somme, la TVA serait un impôt indolore, utile et efficace: c’est celui que privilégie par exemple le Conseil fédéral, jusqu’ici avec un succès relatif, pour financer l’absence de vraies réformes des assurances sociales. Les velléités actuelles du ministre des Finances de passer à une TVA à un taux unique compris entre 5 et 6% peuvent dès lors surprendre: pourquoi simplifier le plus simple des impôts?

Or, la simplicité de la TVA est illusoire. A y regarder de plus près, c’est un impôt plus compliqué, plus dommageable et encore moins justifié que d’autres. Forte de quelque 2400 pages de documentation officielle pour les entreprises, la TVA fait supporter à ces dernières des coûts qui peuvent parfois atteindre 3% de leur chiffre d’affaires. Sans même inclure ces coûts administratifs- là, il a été établi que chaque franc de TVA prélevé par l’Etat coûte 70 centimes supplémentaires à l’économie en raison des distorsions générées par l’impôt. Et les taux à appliquer selon les biens et les services (7,6, 3,6 ou 2,4%), les nombreuses exceptions et les montants réclamés sont si variables et arbitraires qu’il semble bien difficile d’y voir une quelconque «justice fiscale».

L’idée même d’imposer la consommation se révèle trompeuse. Outre le fait que cette volonté de modifier autoritairement les préférences des consommateurs n’est pas motivée, les études montrent que la TVA pénalise pour moitié seulement la consommation, et pour moitié l’investissement. Si la TVA ne peut pas être répercutée intégralement sur les consommateurs, elle est supportée par les entreprises et donc affecte leurs possibilités de croissance, et en définitive l’emploi. Dans la mesure où elle est supportée par les consommateurs, elle affecte également leur consommation future, et donc aussi leur épargne: la TVA ne se distingue ainsi guère d’un impôt sur le revenu, avec les inefficacités évoquées en plus.

Alors pourquoi la TVA existe-elle encore? Comme l’absurde «imposition des entreprises» (subie en définitive par des personnes physiques), elle vise à cacher la charge fiscale réelle et sa croissance ininterrompue. Des impôts bas mais nombreux qui s’additionnent de façon opaque paraissent plus acceptables aux contribuables qu’un montant exigé directement correspondant au total de la charge fiscale qu’ils subissent, même si le montant total à payer est plus élevé lorsque les impôts sont ainsi dispersés.

Une autre raison explique le maintien de la TVA et les souhaits de certains de l’augmenter encore: le souci d’«eurocompatibilité». Une TVA s’approchant du niveau minimal uniformisé de l’Union européenne rendrait l’adhésion moins douloureuse: une adhésion à l’UE nécessiterait aujourd’hui d’élever d’un coup la TVA à au moins 15%. Or, même en admettant qu’une telle hausse soit intégralement compensée par des baisses d’autres impôts (en laissant de côté les coûts directs de l’adhésion à payer, soit plusieurs milliards de francs par an), un tel changement provoquerait une baisse de la prospérité à cause des défauts de la TVA. Se différencier de l’UE par une fiscalité attractive, plutôt que de s’aligner sur sa fiscalité nuisible, serait préférable sur tous les plans.

Simplifier la TVA s’impose alors à l’évidence: les intérêts légitimes des contribuables méritent de l’emporter sur la recherche de privilèges et la peur de voir baisser les recettes déjà démesurées de l’Etat. Que la réforme s’accompagne d’une baisse d’impôts (proposée à l’origine, mais rapidement contestée par les partis) ne serait en aucun cas à déplorer. A défaut d’une abolition pure et simple de la TVA, la meilleure option, qui aurait également le mérite d’éviter de prétériter les branches qui profitent pour l’instant de taux moins élevés, serait de ramener la TVA à 2,4% pour tous, tout en la simplifiant. Malheureusement, gageons plutôt que les groupes de travail qui passeront désormais des années à étudier la question finiront par élaborer une TVA encore trop élevée et toujours trop complexe. Sans s’interroger sur les dépenses de l’Etat que la TVA finance, ni remettre en question les lourdeurs administratives qui s’ajoutent à la complexité du système lui-même.