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L’impôt dégressif n’est pas plus injuste qu’un autre

Ainsi donc, «les riches» paieront moins d’impôts : la réforme de la fiscalité d’Obwald continue à en scandaliser plus d’un. À y regarder de plus près, cependant, le changement ne semble pas si révolutionnaire que cela. Outre le fait que Schaffhouse l’a précédé sur ce terrain, l’impôt dégressif d’Obwald n’implique en rien un renversement de la charge fiscale des hauts revenus vers les contribuables plus modestes. En effet, le taux d’imposition de base augmente jusqu’à un maximum de 15,5%, puis redescend jusqu’à 11,4%... en réalité donc, plus le contribuable obwaldien a un revenu élevé, plus il paie d’impôts ; la seule différence étant qu’il n’est plus privé d’une part de plus en plus grande de son revenu.

Il n’est guère surprenant que la gauche s’offusque de la réforme, elle qui est toujours prête à voir des «cadeaux aux riches», là où ils sont simplement moins dépouillés qu’ailleurs, elle qui n’a toujours pas compris que l’économie n’est pas un jeu à somme nulle. Plus inattendu est le fait que même certains partisans de la concurrence fiscale voient là une dangereuse dérive qu’il faudrait limiter. Or, la concurrence, même et surtout dans ce cas, n’est jamais «ruineuse» : des impôts plus bas impliquent moins de ressources accaparées par l’Etat et davantage de ressources laissées à la société civile et à l’économie privée, nécessairement plus efficaces, comme le documente l’expérience, dans la création de richesses. Les Obwaldiens l’ont d’ailleurs bien compris en plébiscitant la réforme, au point que le Parti socialiste n’a pas réussi à trouver assez d’entre eux disposés à faire recours contre la nouvelle loi...

L’imposition dégressive est également accusée d’être contraire au principe de l’égalité devant l’impôt. Or, avant de l’évoquer, il faudrait commencer par définir cette égalité. La définition la plus logique, selon laquelle tout le monde paie les mêmes impôts, justifierait un impôt d’un montant fixe. Une autre définition, selon laquelle tout le monde paie la même part de son revenu, mènerait à un impôt proportionnel. Une troisième définition consisterait à laisser à chacun une même somme fixe, tout le reste de son revenu étant payé en impôts. Cette dernière définition semble bien la seule compatible avec l’imposition progressive et le principe qui prétend la justifier, la «capacité contributive». Au contraire, un impôt dégressif dans sa forme la plus poussée, donc avec une dégressivité importante (et les innovations cantonales actuelles en sont encore très loin), ne tendrait pas vers «moins d’impôts pour les riches», mais plutôt vers la première définition, soit l’impôt fixe.

Quelles sont les implications philosophiques et économiques de ces «extrêmes», et ainsi le «pire» vers lequel pourrait mener chacun de ces deux derniers systèmes? Dans le cas d’un impôt progressif satisfaisant la troisième définition de l’égalité devant l’impôt, la richesse produite est supposée appartenir d’abord à l’Etat, qui laisse ensuite «généreusement» une ration de subsistance au contribuable esclave. Economiquement, la «désincitation» à produire plus de richesses est totale : inutile d’insister sur la pauvreté que cela impliquerait. Dans le cas d’un impôt dégressif satisfaisant la première définition de l’égalité, au contraire, tout revenu supplémentaire est gardé par le contribuable, qui aurait dès lors tout intérêt à produire plus de richesses. Un tel impôt pourrait être justifié par l’idée d’une contribution fiscale selon le principe d’équivalence : un paiement en contrepartie des services fournis par l’État. Bien sûr, le «problème», ou l’avantage, de l’impôt fixe, c’est qu’il devrait être suffisamment bas pour qu’assez de contribuables aient les moyens de le payer...

Ce sont là deux cas limites qui ont le mérite de poser la véritable question : vers lequel des deux serait-il plus dangereux de dériver? À la lumière de l’analyse, l’impôt dégressif n’apparaît ainsi pas plus injuste que d’autres formes de fiscalité, au contraire. Bien sûr, il ne saurait à lui seul résoudre tous les problèmes fiscaux : ce n’est qu’une des possibilités d’amélioration de la fiscalité, l’un des avantages de la concurrence fiscale étant de pouvoir l’expérimenter. Pour le contribuable, la question la plus importante est de savoir de quel montant d’impôt il devra s’acquitter : un barème faiblement progressif ou faiblement dégressif s’apparente en fin de compte à un impôt proportionnel. Plus que le système d’imposition, l’atténuation de la charge fiscale totale, à tous les niveaux de l’État, s’avère dès lors l’enjeu décisif.