Institut Laissez-faire : La liberté sans compromis.

Bernard Rappaz est victime d’une absurde prohibition

Bernard Rappaz n’est pas la première personne à souffrir de l’interdiction de certains produits, à devoir séjourner en prison pour la simple culture d’une plante, et même à risquer de mourir à cause d’une telle prohibition.

En Iran, en Chine ou en Indonésie, les «trafiquants de drogue» sont exécutés. Les Etats-Unis ont la première population carcérale du monde, principalement en raison de plus de 500 000 personnes emprisonnées pour usage ou vente de drogues… Corruption massive, violence et meurtres liés aux mafias de la drogue, milliards dépensés en opérations policières, et même conséquences politiques et écologiques dramatiques en Amérique latine, bref au niveau mondial la «guerre à la drogue» est une guerre farouche où les vies détruites se comptent par milliers.

La condamnation de Bernard Rappaz à plus de 5 ans de prison (sans doute plus que pour un viol, une agression ou un cambriolage!) alors qu’il n’a agressé ni volé personne, apparaît comme une absurdité de plus, guère différente des autres injustices commises de par le monde et même en Suisse au nom de la lutte contre la drogue.

Henry David Thoreau, écrivain américain luttant notamment pour l’abolition de l’esclavage, notait déjà la légitimité de la désobéissance aux lois dans certains cas: «Il existe des lois injustes: consentirons-nous à leur obéir? Tenterons-nous de les amender en leur obéissant jusqu’à ce que nous soyons arrivés à nos fins – ou les transgresserons-nous tout de suite?» Bernard Rappaz a choisi la dernière option, en assumant ses actes jusqu’au bout, sans feindre des regrets pour espérer la clémence de la «justice», se refusant à promettre de «s’amender» contre une réduction de peine. Cela en fait bel et bien un prisonnier politique, ne reconnaissant pas la légitimité de sa condamnation, prêt à risquer sa vie pour défendre une cause qu’il considère comme juste: celle de la légalisation d’un produit qui n’aurait jamais dû être interdit.

Le débat sur les dangers prouvés ou potentiels du cannabis et des autres drogues, légales ou non, est justifié, mais dans ce contexte hors sujet: c’est une question que peut se poser tout un chacun pour savoir s’il souhaite en consommer ou non, que les parents peuvent se poser avant d’avertir leurs enfants contre ses dangers, que les médecins peuvent se poser pour faire des recommandations ou des prescriptions.

Mais ce n’est pas une question que devrait se poser le législateur. L’interdiction d’un produit demandé ne fait que créer un marché noir florissant, avec toute la criminalité organisée et les conséquences sécuritaires que cela implique, tout en poussant vers des produits plus dangereux, avec des effets moins connus. Paradoxalement, l’interdiction ne fait donc que décupler les risques qui lui servent de justification. L’Etat se montre incapable d’enrayer la consommation, l’attrait de l’interdit l’encourageant parfois au contraire, et empêche une véritable prévention basée sur une évaluation correcte des risques. Dans les Etats encore plus répressifs que la Suisse, la «guerre à la drogue» mène à des incursions de plus en plus drastiques dans la vie privée, sans guère plus de succès dans la limitation de la consommation et des effets dommageables des drogues. Les Etats répressifs comme les Etats-Unis ou la France ont ainsi bien plus de problèmes liés à la consommation de stupéfiants chez les jeunes que les Etats relativement plus libéraux.

Finalement, quelle justification à cette interdiction des stupéfiants? Aucune, si ce n’est le principe inacceptable selon lequel l’Etat aurait le droit de protéger notre santé contre notre gré en nous protégeant de certains produits qu’il inscrit (de façon par ailleurs purement arbitraire, sans aucun fondement scientifique!) sur une liste de stupéfiants – quitte au passage à menacer notre santé de façon bien plus dramatique par la prison ou les effets de l’interdiction (produits coupés, criminalité, etc.). Un principe fondamentalement totalitaire qui implique que c’est l’Etat qui peut disposer de notre corps et de notre vie, mais certainement pas nous-mêmes.

Ce même principe, nous avons pu le voir mis à nu dans toute sa barbarie lorsque le Tribunal fédéral a décrété que Bernard Rappaz devait être nourri de force. Tant pis si c’est une forme de torture. Tant pis si c’est contraire à l’éthique médicale. Tant pis s’il faut en venir à menacer de sanctions pénales les médecins récalcitrants.

Libérer Bernard Rappaz de la peine injustifiée à laquelle il a été condamné, et non le nourrir de force, pourrait apparaître dès lors non pas comme une faiblesse, mais comme le choix d’une autre cohérence: celle de la liberté, celle de chacun de disposer de sa vie selon son choix.